Des chats sauvages

Avec le documentaire Des chats sauvages, le Suttonnais Steve Patry nous convie, au gré des saisons, à la rencontre de Martin, un ermite qui vit dans un abri en forêt, entouré de ses chats. Tel un philosophe cynique, Martin incarne une tranquille rébellion intellectuelle et sociale. Libre, sauvage, sale, mal habillé, Martin vit, chasse, bûche, répare, mange — et surtout aime ses chats. 

Un seul voisin, Daniel, vient le voir de temps en temps et lui rappelle de se raser, de couper sa tignasse et de porter des vêtements convenables, tout ça en prévision de la visite de sa fille, qui n’aura jamais lieu. Au fond, Martin n’espère rien, si ce n’est le prochain train et la venue de sa mère pour Noël. Le comportement du reclus a quelque chose d’admirable. Martin mène une vie que certains pourraient même lui envier : il a le courage de s’affranchir du regard des autres.

Une vie dénuée d’artifices

Le documentariste capte son sujet sans le juger, de l’intérieur, et gagne sa confiance. Les images en noir et blanc de Steve Patry magnifient le documentaire capté à la fois par des caméras de chasse et une caméra haute définition. Elles nous permettent de voir le monde à travers les yeux de Martin, de suivre l’ermite à son rythme. La vie côtoie la mort, le beau côtoie le laid, sur un fond de tranquillité. Qui n’a pas rêvé d’une telle vie, simple et dénuée d’artifices ? Mais la nature sait aussi être froide et cruelle. Parmi l’écho des voix qui frappent les montagnes, où les cris dans le lointain se confondent aux hurlements des coyotes, Junior, l’un des chats de Martin, sera avalé par la forêt boréale…

En couleur, sans filtre, assis dans son fauteuil défoncé, Martin se confie avec une criante vérité. Une couverture en peluche à motif tigré nous rappelle qui il est. Martin nous confie son amour pour sa marmaille de chats, « ses frères ». Il nous raconte de façon imagée être tombé « sans connaissance » un hiver, assommé par une branche d’arbre. Ce sont ses « minous » qui lui ont sauvé la vie. Et qui lui ont montré à mieux apprécier les jours qui viennent. Tout ce qu’on apprend de Martin nous touche au cœur, jusqu’à l’effort ultime qu’il fait pour sociabiliser en enregistrant une chanson où il murmure à Daniel qu’il l’aime au fond, et que c’est aussi son frère, pas juste un ami.

Martin a compris des choses qu’on ne comprend plus. Il entend des choses qu’on n’écoute plus. Des chats sauvagesde Steve Patry, est un film à caractère social important et intimiste. 

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Des chats sauvages

Documentaire de Steve Patry. Québec, 2024, 77 minutes. Bientôt en ligne sur F3M.

Catherine Chagnon