Éliane Excoffier, photographe
Un texte de Ariane Plante
Paru dans le numéro Hiver/Winter 2025-26
Publié le : 13 novembre 2025
Dernière mise à jour : 13 novembre 2025
Pour la photographe suttonnaise Éliane Excoffier, les projets d’exposition et d’intégration d’œuvres à l’architecture, en Estrie et ailleurs au Québec, se multiplient.
Bien que rien ne laissait présager qu’elle mènerait une carrière artistique, la trajectoire d’Éliane Excoffier s’est tracée tout naturellement. Enfant, elle habitait la campagne et rêvait d’être vétérinaire. C’est un cours d’histoire de l’art à l’Université de Montréal qui a éveillé ses élans de créatrice, et un cours en photographie qui a révélé sa passion pour son médium de prédilection. La découverte du travail en chambre noire, qui permet des jeux et des expérimentations avec la matérialité photographique, fut fondatrice.
Depuis plus de vingt-cinq ans, l’artiste de Sutton nourrit ainsi une démarche ancrée dans l’expérimentation, en combinant des techniques photographiques numériques et argentiques. La chambre noire demeure son laboratoire : par des manipulations et l’alliage inventif de procédés et d’appareils photos de différentes époques, Excoffier crée des images dont le mystère et l’évanescence s’impriment en nous comme la lumière sur le papier photosensible.
Sa carrière est en pleine effervescence. Les projets d’exposition et d’intégration d’œuvres à l’architecture, en Estrie et ailleurs au Québec, se multiplient. La Maison des générations du Centre d’action bénévole de Sutton, rénovée par la firme eba architecture, accueille notamment une de ses œuvres. Intitulée Elle, cette impression sur verre tirée de la série D’autres fables (2022) révèle, dans une apparente simplicité, une émouvante polysémie. Fabriquée par l’hybridation de deux techniques analogiques utilisées en chambre noire, l’image montre une main au-dessus de laquelle flottent des plumes. « J’y voyais une métaphore très ouverte, universelle, avec cette main tendue, qui donne ou qui reçoit, et les plumes légères qui s’envolent ou s’y posent. », précise-t-elle.
L’intégration d’oeuvres à l’architecture
Éliane Excoffier fait aussi partie des artistes choisis pour réaliser une œuvre d’art public pour l’une des cinq nouvelles stations du Réseau express métropolitain (REM). À la station Bois-Franc, dans l’arrondissement Saint-Laurent, l’espace qui lui est destiné se trouve dans un corridor emprunté par les voyageurs naviguant d’un quai à l’autre. Cet environnement souterrain a inspiré à l’artiste une œuvre qu’elle a intitulée La légèreté des horizons et qui s’inscrit en contraste avec celui-ci.
Ici encore, la plume est au cœur de la composition picturale, imprimée sur verre. L’artiste, qui les collectionne, a été fascinée par la structure d’une plume observée à la lumière : « Je trouvais que les barbes, les filaments, ressemblaient à de longues herbes. J’ai commencé à les photographier en très gros plan. » Cherchant à donner de la profondeur à ces images macro, elle les a ensuite superposées à des paysages visibles depuis les fenêtres de sa maison, où elle aperçoit une montagne au loin. En résulte une série de neuf photographies grand format s’assemblant en un paysage panoramique lumineux qui accompagnera les passagers en mouvement.
La cohabitation avec les autres êtres vivants
Sa production récente s’ancre dans le paysage naturel et interroge notre cohabitation avec les autres vivants. « J’ai grandi dans un milieu agricole et les animaux ont toujours été présents dans ma vie. Quand j’ai emménagé à Sutton en 2013, le lien que j’entretenais avec la nature est devenu encore plus fort. J’observe non seulement l’environnement de plus près, mais je cohabite avec lui. J’habite chez le renard et le coyote, et eux habitent aussi chez moi ! »
Cette fascination pour les animaux fut à la source de son projet Nightlife au mont Pinacle (2022), rendu possible grâce à la collaboration d’Adélard et de la Fiducie foncière du mont Pinacle, et dont on peut encore découvrir une douzaine de pièces disséminées le long des sentiers. Explorant la vie nocturne animale, ces photographies sont le fruit d’une recherche durant laquelle l’artiste a recueilli des milliers d’images à l’aide de caméras de chasse infrarouges. Elles révèlent un point de vue unique sur ce qui grouille dans la forêt la nuit, sur des présences qui se dérobent à notre regard.
La part énigmatique
Éliane Excoffier sait capter, avec une sensibilité à fleur de peau, les mouvements furtifs du monde sauvage, la beauté libre des bêtes et l’énigmatique délicatesse de ce qui vit et vibre autour de nous.
« Mes images sont denses mais elles ont toutes quelque chose d’onirique, de fantomatique. J’aime quand les gens qui les regardent se demandent ce qu’ils voient vraiment. On y voit la beauté, mais il y a un petit quelque chose qui vient questionner la perception lorsqu’on s’y attarde ».
C’est précisément cette expérience qui vous attend lorsqu’au détour d’une promenade ou d’une visite en galerie, vos yeux se poseront sur l’une de ses photographies. Avec leur charge émotive mystérieusement hors du temps, elles nous plongent dans des dimensions parallèles insoupçonnées du réel. À tout coup, elles magnétisent le regard et chavirent le cœur. Pour découvrir ses œuvres, visitez www.elianeexcoffier.com.
Ariane Plante



