La fin des haricots ?

Un texte de Patricia Lefèvre

Paru dans le numéro

Publié le : 17 novembre 2025

Dernière mise à jour : 17 novembre 2025

 

Les temps sont durs pour nos fermes locales qui ont besoin de notre soutien à la fois bénévole, politique et financier.

fermes
Sauf miracle improbable, l’an prochain, il n’y aura donc plus de maraîcher de Sutton au marché de Sutton.

Après avoir roulé à fond pendant vingt ans, le moteur du Potager des nues mains s’est enrayé. C’est aussi le cas de la Ferme verte, après quinze ans d’efforts intensifs déployés par une supermaman monoparentale aujourd’hui épuisée. Yan Gordon, comme Lisa Carey, se seront donnés sans compter pour nourrir sainement leur communauté, au prix de leur santé physique, mentale — et financière. 

Pas étonnant que le moteur des Nues mains soit grippé, quand on sait que la construction de son abri à tracteur est sur pause depuis huit ans pour d’obscurs motifs réglementaires. Pas étonnant que nos fermes manquent de bras, quand leur main-d’œuvre n’arrive pas à se loger décemment à proximité de son travail. Comment ne pas être découragé, quand on n’a pas d’autre choix que de prendre un deuxième travail pour financer le fonctionnement de sa ferme — et engraisser les banques avant ses sols ? 

Peu d’abonnés locaux

Depuis la fin de la pandémie, les coûts de production ont grimpé de façon inversement proportionnelle à l’engouement pour l’achat local : sur les milliers de ménages que compte Sutton, moins de vingt se sont abonnés cette année aux paniers supposés supporter l’achat des intrants de début de saison, dont le prix a entretemps doublé. Et de grosses commandes de fleurs passées des mois à l’avance ont été décommandées au dernier moment, sans arrière-pensée pour leur productrice. 

Dans ces conditions, s’entêter à produire, c’est juste s’endetter un peu plus chaque année. Sauf miracle improbable, l’an prochain, il n’y aura donc plus de maraîcher de Sutton au marché de Sutton. Un triste paradoxe à l’heure où le nouveau plan d’urbanisme de Sutton prétend prioriser le support à l’agriculture. Est-ce que ça va être trop peu trop tard, ou est-ce qu’on va enfin se donner collectivement les moyens de répondre aux besoins spécifiques des rares fermes de proximité encore présentes en zone verte ?

L’entraide, un incontournable

Des Jardins de Tessa aux Cocagnes, en passant par les Jardins du pied de céleri ou le regroupement des Biolocaux, c’est en misant sur l’entraide, la coopération, la mutualisation et un partage élargi des risques humains et financiers que plusieurs fermes des environs semblent le mieux s’en sortir — en réduisant leur dépendance aux banques grâce à un support accru de leur communauté, et en cultivant leur résilience par un apport accru d’humanité.

Comme le disait Michelle, du Petit Boisé de Dunham (fermé depuis l’an dernier), être fermière de famille, c’est d’abord un mode de vie. Mais comme nous le rappelle si bien Stéphanie, du Rizen, l’autonomie alimentaire est avant tout un choix de société. Si nous voulons pérenniser nos fermes locales, c’est aussi à nous d’y voir. Par tous les moyens à notre disposition, de l’achat local à l’engagement bénévole, politique ou financier, et surtout, en nous assurant que les bottines suivent les babines !

Patricia Lefèvre, co-initiatrice d’Arterre