Un quartier des plus animé
Un texte de Jeanne Morazain
Paru dans le numéro Hiver/Winter 2018
Publié le : 28 novembre 2018
Dernière mise à jour : 22 octobre 2020
Bientôt, l’immense structure de béton et de tôle qui abritait la Filtex ne sera plus. Propriété de la Ville de Sutton depuis 2017, elle sera démolie dans les prochains mois, laissant un vaste espace à aménager en plein cœur de ce qui a été pendant un siècle un quartier des plus animé. La Filtex, alors…
Bientôt, l’immense structure de béton et de tôle qui abritait la Filtex ne sera plus. Propriété de la Ville de Sutton depuis 2017, elle sera démolie dans les prochains mois, laissant un vaste espace à aménager en plein cœur de ce qui a été pendant un siècle un quartier des plus animé.
La Filtex, alors appelée la Yarntex a débuté ses activités à Sutton sur la rue Pine, prenant le relais d’une autre filature, la Sutton Silk Mills, arrivée en 1939. Durant la guerre, les 42 métiers de l’usine fabriquaient du tissu pour parachute. Ce premier bâtiment, le 5, rue Pine, a ensuite étendu ses tentacules par l’arrière le long de la voie ferrée grâce à plusieurs agrandissements successifs entre la fin des années1950 et 1986. En 2004, le complexe industriel Filtex couvrait quelque 9 290 mètres carrés (100 000 pieds carrés).
Environ 160 personnes, plus affirment certains, y travaillaient au plus fort de l’activité. La grande majorité venait de Sutton. Il n’est pas rare d’y retrouver des membres d’une même famille ; mère et fille ou mari et femme, par exemple. Ils ont fabriqué du fil à broder, transformé de la laine en ballots de laine à tricoter ou en laine pour tapis, filé et tissé des fibres synthétiques (orlon, nylon, acrylique, etc.), effectué des teintures de toutes les couleurs et réalisé les motifs les plus divers. La compagnie avait un entrepôt sur la rue du Cimetière et un magasin à côté du bureau de poste (12, rue Principale Nord – l’actuel Cinétik)
Les métiers se sont définitivement tus en janvier 2004 après 64 ans. (1939-2004). Il faut espérer que le réaménagement du quadrilatère permettra de rendre hommage aux « employés de la Filtex », dont une quarantaine sont encore vivants. Ils ont fait tourner l’usine et l’économie de Sutton dans des conditions qui seraient jugées inacceptables aujourd’hui, mais qui étaient la norme il y a 50 et 60 ans. À cette époque, les services de garde n’existaient à peu près pas de sorte que, dans certaines familles, la mère travaillait de jour et le père, de soir ou de nuit !
Avant d’être envahi par la Filtex, le quadrilatère avait été le très animé quartier de la gare. Complètement détruit par le feu en 1898, il avait été entièrement reconstruit. À commencer par les deux hôtels, l’American House de Robert Curley et le Commercial House d’Amédée Lebeau. Le premier deviendra le Mountain View puis l’hôtel Camil ; le second, le New Sutton Hôtel (le 3 rue Pine) converti depuis en un édifice à six logements. Les résidences rebâties ont plus d’un logement ou offrent des chambres en location.
Les vitrines commerciales du secteur ne restent pas longtemps vides. Prenons l’exemple du local qu’occupe aujourd’hui Le Cafetier. Le magasin général Smith, Flannery, Jenne y a eu pignon sur rue de 1907 à 1944. Adep Camille, un immigrant d’origine syrienne, y a ensuite tenu un magasin de vêtements qui sera relocalisé au coin de la rue Maple en 1956 (Le Rendez-vous de la Mode, où se trouve aujourd’hui Urbaine des Champs). Robert Miltimore l’a remplacé au 9, Principale Nord et y exploite une quincaillerie. Celle-ci passe entre plusieurs mains — Hollis Dyer, Georges Lussier qui est aussi serrurier, Paul Gingras — jusqu’à sa transformation en 2006 en un café-bistro fort achalandé.
Pendant toutes ces années où les trains de passagers se sont arrêtés à Sutton (1871-1965), le quartier de la gare grouillait d’activités. On se rendait au bureau de la douane et de l’immigration ou au dépôt récupérer un colis ou des marchandises expédiés de Montréal ou de Boston. Les skieurs, qui ont adopté Sutton bien avant l’ouverture de la station de ski Mont SUTTON en 1960, descendaient du train par centaines les fins de semaine dans les années 1930 et 1940.
La population, nous dit-on, sera consultée sur le réaménagement de ce quadrilatère névralgique. S’inspirer du passé pour dessiner l’avenir, voilà une première piste de réflexion.
Jeanne Morazain est présidente d’Héritage Sutton. Pour en savoir plus sur votre société d’histoire, visitez le site www.heritagesutton.ca. Héritage Sutton publie deux fois l’an un cahier sur l’histoire de Sutton et des environs que vous pouvez vous procurer Au Cafetier, aux galeries Art Libre et Farfelu, aux boutiques Les bons débarras et Nath’elle ainsi qu’au Bureau d’information touristique. Pour communiquer avec nous, envoyez un courriel à heritagesutton@gmail.com.
Photo : Skieurs arrivant en grand nombre par le train au début des années 1940.