Jean-Pierre Désourdy
Un texte de Anne Lecours
Paru dans le numéro Hiver/Winter 2017
Publié le : 28 novembre 2017
Dernière mise à jour : 30 octobre 2020
Un homme roule à belle allure sur sa moto. Il ne se grise pas de vitesse, il sait respecter les limites ; il se grise plutôt d’air frais et de paysages. Il a juste quelques heures pour lui : il doit impérativement mettre son travail de côté un moment et se libérer l’esprit. Tout à l’heure, il…
Un homme roule à belle allure sur sa moto. Il ne se grise pas de vitesse, il sait respecter les limites ; il se grise plutôt d’air frais et de paysages. Il a juste quelques heures pour lui : il doit impérativement mettre son travail de côté un moment et se libérer l’esprit.
Tout à l’heure, il retirera casque et veste de moto, et réintégrera ses bureaux. Vêtu d’un complet gris, il accueillera ses clients avec un mélange de respect et de compassion. Sa carrure d’athlète et son attitude rassurante réchaufferont le cœur de ceux à qui il serrera la main. Certains l’appelleront Jean-Pierre, d’autres diront plutôt : monsieur Désourdy.
Fils de Jean-Marc et petit-fils d’Ernest, qui avait ouvert le premier des salons funéraires Désourdy en mai 1928 à Henryville, Jean-Pierre est le propriétaire des sept salons qui portent le nom de sa famille (ils sont situés à Sutton, Cowansville, Farnham, Henryville, Knowlton, Mansonville et Ange-Gardien).
Il n’avait pas encore 17 ans lorsqu’il a accueilli « sa » première famille endeuillée. Un bien jeune âge pour un travail si important, mais il savait de quoi il retournait : depuis tout petit, s’il voulait voir son père, c’était au salon qu’il devait aller. Pas dans un salon comme chez vous et moi, non ! Au salon où se faisaient les embaumements, les expositions et les célébrations des morts. Cela dit, il n’avait pas trop de chemin à faire : la famille, pendant quelque temps, a vécu dans la bâtisse même où se déroulaient toutes ces activités. C’est là qu’il a appris l’essentiel de son métier.
Jean-Pierre a toujours su qu’il suivrait les traces de son père et de son grand-père. Son frère en a fait de même, jusqu’à il y a quelques années, ainsi que d’autres membres de la famille. La motivation sous-jacente des Désourdy et de leurs équipes a toujours été d’offrir le meilleur accompagnement possible aux clients endeuillés, à tous les niveaux et à toutes les étapes, et ce, quelles que soient leurs croyances ou leur Foi. Et Dieu, Allah et les autres, savent à quel point la mort d’un proche apporte avec elle son lot d’émotions, mais aussi de décisions à prendre à un niveau très concret pour organiser les funérailles et tout ce qui tourne autour de l’événement.
Les mœurs ont changé au fil du temps. De nos jours, les clients cherchent des formules « tout compris » : ils sont heureux de pouvoir commander au même endroit l’urne ou le cercueil, la pierre tombale, les fleurs, les cartes, l’encadrement des photos, etc. Il faut de plus que le « point de services funéraires » se trouve près de l’épicerie, de la pharmacie et de la banque ! Le temps manque et le magasinage funéraire doit pouvoir se faire en même temps que le reste des courses. La durée des périodes de visites dans les salons a d’ailleurs presque diminué de moitié : il n’est pas si rare que tout se déroule en une seule journée, de l’exposition à l’inhumation. Malgré cela, les rencontres des familles au salon, autour du corps du défunt, demeurent une activité sociale importante : elles restent une occasion de se revoir et d’échanger. Les cérémonies funéraires — tout comme les mariages et les baptêmes — désertent peu à peu les églises : aux chapelles des salons Désourdy, les familles peuvent commémorer la mémoire de leurs proches d’une manière personnalisée, selon leurs désirs, croyances et besoins.
C’est dans le but d’offrir le meilleur soutien possible que Caroline Blais, directrice administrative, a mis sur pied un service d’accompagnement en art-thérapie avec Bénédicte Deschamps, art-thérapeute de Frelighsburg. Grâce à elle, 90 personnes sont venues en juillet dernier honorer la mémoire de leurs chers disparus dans le cadre de « la cérémonie des papillons ». Jean-Pierre était présent. Il a beaucoup pensé à son père, décédé en 2016, peu de temps après l’inauguration du magnifique complexe funéraire de Cowansville. La libération des émotions enfouies a été bénéfique pour lui comme pour les autres participants. Il a décidé de donner son accord pour le démarrage d’ateliers d’art-thérapie réguliers, un mercredi soir par mois.
Jean-Pierre est dédié à son travail, c’est évident. Il reste que côtoyer la mort au quotidien est parfois difficile. S’occuper des funérailles d’une personne jeune, voire d’un enfant, ou carrément des funérailles d’un proche, lui demande une force intérieure peu commune. À mon avis, dans ce temps-là, il faut que la moto ne soit pas rangée trop loin. J’imagine que ça doit être plus difficile en hiver !
Salons funéraires Désourdy
450-263-1212