L’érablière de Winter
Un texte de Geneviève Hébert
Paru dans le numéro Printemps/Spring 2020
Publié le : 24 février 2020
Dernière mise à jour : 1 novembre 2020
Né sur une ferme en France de parents hollandais, Roger de Winter a fait ses études universitaires en Alberta et au Québec pour devenir agronome. Il a été consultant en agroéconomie à travers le monde entier jusqu’à l’an dernier. Lorsque leur fille est née lors d’un contrat de plusieurs années au Costa Rica, les de…
Né sur une ferme en France de parents hollandais, Roger de Winter a fait ses études universitaires en Alberta et au Québec pour devenir agronome. Il a été consultant en agroéconomie à travers le monde entier jusqu’à l’an dernier. Lorsque leur fille est née lors d’un contrat de plusieurs années au Costa Rica, les de Winter ont voulu trouver un port d’attache. Roger de Winter pensait qu’une érablière au Québec était une conjoncture intéressante qui lui procurerait le plaisir de travailler avec la nature. Exportant dans plus de 45 pays aujourd’hui, la province de Québec assure toujours la plus grande part de l’offre mondiale de sirop (autour de 72 %). Il est à noter que les produits de l’érable sont des produits de niche en forte demande.
C’est en visitant des amis suttonnais en 1996 que les de Winter ont déniché leur ferme sur le chemin Jackson entre Sutton et Brome. Par la suite, Roger a continué de prendre des contrats de courte durée à l’étranger. Cette façon de faire lui permettait d’exploiter son érablière quelques mois par année en plus de conduire quelques autres activités comme la plantation d’arbres nobles (divers types de chênes et de noyers). À l’heure actuelle, son érablière compte environ 8 000 entailles exploitées avec les techniques d’aujourd’hui. Celles-ci incluent un système de tubulures, l’osmose inversée, le système de vacuum et un évaporateur performant.
Le choix de la certification biologique
À ce jour au Québec, 40 % de la production annuelle de sirop d’érable est certifiée biologique. Ainsi, le sirop d’érable est une des plus importantes productions agricoles biologiques au Canada.[i] Cela s’explique par la forte demande, mais aussi par le fait que parmi les productions agricoles, l’acériculture s’avère la plus facile à convertir vers le bio. [ii] Les érablières étant rarement fertilisées, le délai de 36 mois sans intrants interdits peut être rapidement respecté.
Par contre, pour obtenir une certification biologique, l’acériculteur doit répondre à plusieurs exigences. Celles-ci concernent l’aménagement, la gestion de l’érablière, la diversité végétale, les normes d’entaillage, la collecte et la transformation de l’eau d’érable, les produits pour le nettoyage et l’entretien, ainsi que les matériaux de l’équipement. Comme pour toutes certifications biologiques, toutes les étapes de la fabrication doivent être consignées dans le cahier de charge du producteur, allant de l’entretien à l’entreposage des produits de l’érable. [iii]
Ayant été consultant en agronomie à travers la planète, Roger a une bonne vue d’ensemble du paysage agricole mondial. Pourquoi a-t-il choisi la certification biologique ? « On ne peut pas aller contre la vertu. À la base, je crois à une saine gestion des forêts et des ressources. Les producteurs bio ne peuvent pas faire de monocultures, entailler les arbres trop jeunes, ou pratiquer des entailles précoces ou multiples, » répond monsieur de Winter. Ces normes aident à conserver l’écosystème de la forêt. Elles assurent également la pérennité de l’érablière.
Pour des raisons économiques, certains producteurs sont prêts à faire de la gestion court terme. Ils obtiennent ainsi de meilleurs rendements. Une gestion long terme permet de préserver la ressource. Les changements climatiques perturbent considérablement les façons de produire. Ainsi, les producteurs entaillent de plus en plus tôt pour ne pas manquer les premières coulées. Des pompes vacuum de plus en plus performantes sont utilisées pour retarder la cicatrisation des entailles et ainsi prolonger la période de production. Pour sa part, le regroupement des producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) doit s’assurer de la qualité des sirops des érablières certifiées ou non. Ils vérifient les taux de formaldéhyde dans les entailles, ainsi que la qualité des équipements (sans plomb et sans cuivre). Ce regroupement est aussi celui qui régit la commercialisation du sirop assurant du même coup une stabilité et une régularisation des prix pour les producteurs.
Les produits de l’érablière de Winter, certifiés biologiques
L’érablière de Winter diversifie sa production acéricole. Roger produit, bien sûr, du sirop d’érable, qu’il exporte et vend en vrac à des grossistes, des restaurants, des épiceries et des particuliers. En 2019, son sirop a obtenu pour une deuxième année consécutive la médaille de bronze au concours La Grande Sève de la Commanderie de l’érable.
Parmi ses autres produits certifiés biologiques, on trouve du beurre, du sucre, de la gelée et du vinaigre d’érable. Contrairement à certains vinaigres d’érable fabriqués à partir de vinaigre blanc et de sirop d’érable, le sien est issu d’une véritable fermentation et d’une transformation avec une mère de vinaigre. Je vous le confirme, il est sublime en salade, en marinade ou en réduction.
Roger produit également du cassis, non certifié. Depuis quelques années, des gelées tardives ont eu raison d’une bonne partie des fleurs de ses arbustes. De plus, les dindes ont achevé de lui voler ses récoltes. Il faudra voir ce que lui réserve 2020…
Une expérience enrichissante
Lors de ma rencontre avec monsieur de Winter, j’en ai profité pour poser à cet érudit de nombreuses questions. L’univers acéricole est d’ailleurs plus complexe qu’il n’y paraît. J’en ai appris beaucoup sur la santé des érables, ses variétés, la couleur et l’origine du sirop. Même sur les divers produits équivalents à travers le monde. Ce fut un moment mémorable et très instructif. J’y ai entre autres appris que la Corée fabrique un sirop d’érable. Et que la légende amérindienne de Nokomis aborde la découverte de ce merveilleux liquide à la saveur unique qui fait partie de l’identité gastronomique et culturelle des Québécois.
Comme l’espace manque dans cet article pour condenser toutes ses informations, je vous rappelle qu’il n’y a rien comme l’expérience ! Roger de Winter est ouvert à ce que les gens visitent son érablière pour comprendre comment ça fonctionne. Quant à son sirop d’érable, vous le trouverez à plusieurs endroits. Notamment à la boutique Au Naturel à Sutton, à la Boulangerie Abercorn et au IGA de Cowansville. Son vinaigre d’érable, lui, se détaille à la Rumeur Affamée de Sutton. Comme la plupart des producteurs de notre région, il vend également directement aux particuliers. Vous pouvez le joindre par l’entremise de son site : dewinter.qc.ca.
[i] ppaq.ca/revision-de-la-norme-biologique-du-canada/
[ii] mapaq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/Regions/ChaudiereAppalaches/Espaceconferences/Ecocert-DoccomplemJA17.pdf
[iii] mapaq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/Regions/ChaudiereAppalaches/Espaceconferences/Ecocert-DoccomplemJA17.pdf