Les Home Children
Un texte de Jeanne Morazain
Paru dans le numéro Été/Summer 2023
Publié le : 5 juin 2023
Dernière mise à jour : 5 juin 2023
Le Musée de Lac-Brome présente une exposition sur les Home Children, des enfants recueillis dans des refuges anglais, puis envoyés au Canada pour travailler sur des fermes entre 1872 et 1912.
Du 20 mai 2023 au 6 avril 2024, le Musée de Lac-Brome présentera Le point de vue des enfants : trouver un chez-soi dans le comté de Brome, une exposition sur les Home Children. On appelait ainsi les enfants rejetés, négligés ou orphelins recueillis dans des refuges anglais et envoyés au Canada pour servir sur des fermes jusqu’à l’âge de 18 ans. Entre 1872 et 1912, un total de 4 858 enfants de 9 à 18 ans ont été placés après avoir séjourné à la Knowlton Home, « centre de distribution » pour le Québec.
Certains d’entre eux ont été envoyés à Sutton. Dans une entrevue enregistrée en 1977, Morris Cavell raconte être venu au Canada en 1908 à l’âge de 13 ans : « I went from Southampton to Liverpool. […] my father was dead and my mother was in the hospital. » Morris Cavell avait consenti par écrit à venir au Canada : « I thought it’d be better than England. »
C’est un fermier de Sutton du nom de Hibert qui a choisi le jeune Morris. Morris a travaillé quatre ans sur sa ferme. Il travaillait de 5 h du matin à 9 h le soir pour trois dollars par mois la première année. Il était nourri et logé : « We had good food on the farm, and we had a good bed to sleep in. Our washing was done. » Par la suite, son salaire a été augmenté de 3 $ chaque année. Il n’est jamais allé à l’école. En 1913, il est engagé par le Canadien Pacifique pour lequel il travaillera pendant de longues années. Les listes d’ancienneté de la compagnie indiquent qu’il a été promu contremaître en 1929.
L’un des home children les plus connus de Sutton est certes Bert Amos qui a traversé l’Atlantique en 1928 et a été recruté par Cleveland Willey, un fermier du chemin Spencer à Abercorn qui lui a appris à traire les vaches, à atteler, conduire et ferrer les chevaux, à labourer, semer, récolter et bûcher.
Bert a travaillé 22 ans pour la famille Willey. Lorsque la ferme a été vendue en 1950 il est resté à Abercorn, vivant de petits boulots. Puis en 1958, l’une des deux routes postales du village devient disponible à la suite de la retraite du postier. Ce dernier suggère à Bert Amos de poser sa candidature qui est retenue. En 1983, pour souligner ses 25 années de service, le Township Sun lui consacre un article. Bert Amos et la famille Willey ont entretenu des liens très forts. Au point, nous dit Ruth Massey dans une entrevue enregistrée en 2001, que « when Cleveland died, he left Bert enough money to buy a pick-up truck ».
Des liens étroits existent aussi entre la famille Emerson de Sutton Junction et Tom Hugues, un home child. Ce dernier a vécu toute sa vie sur la ferme Highland, mais nous n’en savons pas plus. Quelques autres noms de présumés home boys font surface dans les entrevues réalisées par Héritage Sutton auprès de gens de la région. Charles Betts, Eddie Cox, Ernest Harris, Harry Hill, Albert Stone, etc. Pour l’instant, ce ne sont que des noms ; nous ne savons rien d’eux. Nous ne savons pas non plus si des fillettes ont été placées dans des familles.
Toutefois, le hasard crée parfois la surprise. En effet, un dossier du Musée des migrations d’Adelaïde en Australie raconte l’histoire d’Edith Barker. À neuf ans, elle est venue à Knowlton en 1892 en tant que home child. Edith faisait partie d’un groupe de 47 filles et cinq garçons partis de Liverpool à destination du Canada le 5 mai 1892 à bord du Parisian de la compagnie Allan Lines. À Sidney, le National Maritime Museum a conservé la trace de Florence Mary Atkins. Cette dernière, en mai 1907, a fait la traversée sur le SS Victorian pour rejoindre sa mère engagée comme cuisinière au centre de Knowlton. Nous ignorons comment ces deux fillettes se sont retrouvées aux antipodes.
Bonne visite d’exposition !
Jeanne Morazain, présidente d’Héritage Sutton