Jacques Lajeunesse
Un texte de Johanne Ratté
Paru dans le numéro Automne/Fall 2019
Publié le : 17 août 2019
Dernière mise à jour : 3 novembre 2020
Dans son atelier surplombant les Chutes Hunter à Frelighsburg, un peintre approche délicatement avec son pinceau à deux poils, le dessin d’un œil. D’un geste sûr, il dessine petites veines et cils. Il rajoute également des pastilles de lumière qui donneront vie au regard. Il recule, évalue l’effet sur le grand tableau rouge qu’il vient…
Dans son atelier surplombant les Chutes Hunter à Frelighsburg, un peintre approche délicatement avec son pinceau à deux poils, le dessin d’un œil. D’un geste sûr, il dessine petites veines et cils. Il rajoute également des pastilles de lumière qui donneront vie au regard. Il recule, évalue l’effet sur le grand tableau rouge qu’il vient de terminer. La position de la jeune femme est bien équilibrée, drapée de rouge et bien calée dans un fauteuil. Elle dégage une émotion sereine.
« Sérénité », ce tableau s’est retrouvé à la grande finale de Figure Works à Ottawa en novembre 2018. Un événement consacré à la représentation de la figure peinte. Événement international, on a pu y voir le travail de 40 artistes se vouant à la peinture, à la photo et à la sculpture de personnages. Tous des artistes, qui, comme Jacques Lajeunesse, poursuivent l’étude complexe de la représentation de l’être humain dans des approches toutes plus personnelles les unes que les autres.
Jacques a choisi de pousser jusqu’au bout le réalisme de sa démarche. Dans les années 70, il poursuit sa formation de peinture en techniques des maîtres anciens, aux Beaux-Arts de Paris. Il y trouve les outils pour explorer les ombres et les lumières, telles que les peintres flamands les rendaient au 16e siècle. S’inspirant des univers flous et patinés que peignaient certains portraitistes, il travaille sa mise en scène. À coups de traits sensibles, il laisse la plombagine effleurer la toile dans un geste sûr et précis. Ses compositions s’inscrivent dans les proportions des canevas ; la règle d’or n’y est pas étrangère. Elle définit un champ équilibré et lumineux derrière les personnages. La sensibilité des textures rendues tantôt par un trait de lumière, tantôt par une succession de glacis, révèle les profondeurs.
Ce qui fascine dans son travail, c’est de réaliser et comprendre les étapes du métier de peintre. Il souligne, dans plusieurs de ses tableaux, l’appropriement de l’espace par la mise en place des lignes de construction, souvent occultées par la peinture. Le positionnement des ombres et des lumières suggérées par l’imprimatur qui dévoilent graduellement les formes d’un corps appuyé et figé dans l’attente. La lumière s’expose doucement dans les fins empâtements de la tempera qui frôlent la carnation transparente du modèle. De fines couches de glacis teintent les contours de la silhouette, révélant la fébrilité du passage. Le modèle surgit peu à peu de ces lignes, évanescent et fébrile.
Parallèlement aux images de personnages, Jacques s’applique toujours à de nouvelles recherches et explorations. Il traite le paysage de façon libre et comme il le dit : « cela me sort de mes sujets existentiels. » Il s’inspire surtout des vues des Cantons-de-l’Est avec ses vallées, ses montagnes et ses points de vue variés. En utilisant la technique des maîtres anciens, il dépose la couleur avec une touche plus large et épaisse. Une touche qui sculpte la lumière par des effets de clair-obscur et d’opposition de couleurs.
Il se donne parfois des défis colorés en restreignant sa palette dans des contrastes simultanés subtils qu’il agence avec brio. Ceux qui l’ont connu depuis son établissement dans la région en 1983, ont apprécié la formation qu’il a donnée à plusieurs artistes de la région. Généreux et passionné de son art, il a su partager ses connaissances. Il a diffusé une technique magnifique qui perdure dans l’histoire de la peinture. Une technique où on apprend à peindre depuis le dessin préparatoire, le transfert sur la toile et la technique de peinture.
Il exposera sur le thème « Paysages contemporains » à l’événement Art de vivre de Frelighsburg, du 31 août au 1er septembre. Il y aura une prolongation jusqu’au 16 octobre au second étage de l’Hôtel-de-Ville de Frelighsburg.
Pour plus d’information, consultez jacqueslajeunesse.com.