Entendez-moi, j’existe !
Un texte de Maison des jeunes Le Spot
Paru dans le numéro Printemps/Spring 2025
Publié le : 19 février 2025
Dernière mise à jour : 21 février 2025
Comme dirait Banksy, "chaque graffiti est une invitation à réfléchir sur les problèmes contemporains qui affectent notre monde."
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En tant qu’intervenante en Maison de jeunes, quand je demande aux adolescents qui la fréquentent : « pourquoi les graffitis ? », ils me répondent : « parce que c’est cool, que je n’ai rien à faire, que j’en ai envie… » Pensiez-vous vraiment qu’ils répondraient autre chose ? Ce sont des ados. Ils n’ont pas terminé de se développer. C’est donc avec un regard extérieur que je traduirais leurs mots ainsi ; ils le font pour le besoin viscéral de se raconter et d’exister dans cette histoire. Parlant d’histoire, je l’ai enseigné dans des écoles secondaires de la région, et aujourd’hui, j’aimerais vous raconter celle des graffitis et plus spécifiquement encore, celle des graffitis des ados de Sutton.
Les graffitis sont des traces de leur passage dans l’environnement qui les entoure. Ce sont des preuves d’avoir existé à jamais librement. Vous me direz, « mais pourquoi des symboles haineux ? » C’est ce qu’ils ont entendu à l’école ou ce qu’il ressente cette semaine-là. Et si je pousse la chose davantage ; c’est l’expression adolescente du besoin d’avoir un pouvoir sur sa propre vie. À cet âge, il y a une colère et une injustice profonde qui est inexprimée envers l’autorité (les adultes), qui les empêchent d’être qui ils sont vraiment. Leur expression peut certes être maladroite et non réfléchie ; n’oublions pas qu’ils sont des adolescents.
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Malheureusement, l’école ne leur apprend pas à définir leurs émotions et à s’autoréguler. Au contraire, elle leur apprend à rester bien assis pour la racine carrée de 144 et la date d’arrivée du premier gouverneur. « Apprenons-leur tout ce qui est à l’extérieur d’eux, mais ne leur apprenons surtout pas ce qui se passe à l’intérieur… » Alors qu’est-ce que ça donne ? Des émotions refoulées, un besoin de s’exprimer, une recherche de sens et des messages de frustration sur les murs du village. Les graffitis sont l’expression réelle et brute de leur sentiment. C’est un geste de provocation et d’irrévérence à un système qui leur laisse un sentiment d’injustice. C’est un besoin de rupture avec le cadre forcé dans lequel on leur impose d’exister.
En fait, comme dirait Banksy, chaque graffiti est une invitation à réfléchir sur les problèmes contemporains qui affectent notre monde. Banksy pousse le public à remettre en question les normes établies et à envisager des alternatives. Le graffiti est un art éphémère et rebelle, qui renforce une critique sociale et politique. C’est une expression qui transcende les frontières pour devenir un catalyseur de changement. Exactement comme l’adolescence. « Et plus vous vous emportez, plus on a envie de vous provoquer. Cessez de vous offusquer et essayer de nous comprendre, » disent-ils. « Et faites-nous un peu d’espace… »
Et pourquoi ne pas leur offrir un mur vierge pour les laisser s’exprimer ?
Les adolescents de Sutton
soutenus par Lhénia Gagnon-Fleury, directrice à la Maison des jeunes Le Spot