Théâtre: Oleanna de David Mamet
Un texte de Raymond Cloutier
Paru dans le numéro Été/Summer 2018
Publié le : 7 juin 2018
Dernière mise à jour : 1 mars 2021
Dans ce village utopique d’Oleanna, les rapports femmes/hommes sont parfaitement harmonieux et purs, l’école libre, sans notes, sans examens, ni classe. Jean-Jacques Rousseau n’est pas loin.
Oh, to be in Oleanna!
That’s where I’d like to be,
Than be bound in Norway,
And drag the chains of slavery.
In Oleanna land is free,
The wheat and corn just plant themselves
Then grow a good four feet a day,
While on your bed you rest yourself.
(Chanson écrite en 1853 par le Norvégien Ditmar Meidell)
En 1992, David Mamet titre sa pièce, « Oleanna », du nom d’une chanson folklorique évoquant une colonie paradisiaque où la nature devait nourrir ses habitants sans qu’ils ne fassent aucun effort, et où ils deviendraient des princes. Dans ce village utopique d’Oleanna, les rapports femmes/hommes sont parfaitement harmonieux et purs, l’école libre, sans notes, sans examens, ni classe. Jean-Jacques Rousseau n’est pas loin. Mamet utilise ici un rêve folklorique pour dénoncer les tenants d’une société idyllique où tout est propre, sans tâche, où la perfection est la norme et les abus, inconnus.
On assiste à un combat sanglant et sans issue qui oppose une étudiante qui exige un traitement juste et une instruction sans ambiguïté, à un professeur paternaliste et ambitieux qui pérore sur l’inutilité de l’éducation supérieure pour tous. En filigrane l’on se demande si celui-ci n’est pas excité par celle-là, et utilise son pouvoir à mauvais escient.
En ces temps de surveillance chirurgicale des comportements, j’ai trouvé pertinent de remettre à l’avant-plan ce récit dangereux et cruel. Je cherche à créer une conversation autour de ce grand mouvement de dénonciation des harcèlements sexuels et psychologiques. Quand tout devient blanc ou noir, il est important d’ouvrir le voile sur les nuances, sur les perceptions. Chaque histoire a une réalité. Certaines méritent un châtiment, d’autres méritent l’analyse. Banaliser les abus, si mineurs soient-ils n’est simplement pas acceptable. Et du même coup, justifier les dérives au nom d’une purge salutaire, nous rappelle les moments sombres de l’histoire.
Devant ce duel, où le spectateur verra tous les enjeux, tous les discours, tous les gestes, chacun portera son jugement, sa conclusion, sa sentence. Les destins de cette étudiante exigeante et intraitable et de ce professeur ambigu et satisfait seront changés à tout jamais. Dans ce huis clos se dessine une réflexion, sur les abus de pouvoir et d’autorité, sur la pertinence de l’accès à l’éducation supérieure et sur la perception des harcèlements psychologiques et sexuels.
Raymond Cloutier
*Pour mémoire, Oleanna est écrit par David Mamet et joué en 1992 dans la foulée des dénonciations d’Anita Hill lors de la comparution du juge Clarence Thomas en vue de sa nomination à la Cour suprême des États-Unis. Dix ans plus tôt, à l’université d’Oklahoma, elle l’avait accusé d’harcèlement sexuel alors qu’il lui aurait déclaré aimer les films pornographiques. Thomas dénoncera une cabale et un lynchage raciste, et rejettera toutes les accusations. Il reçoit le soutien de toutes ses anciennes collègues féminines, y compris celles qui ne partageaient pas ses opinions politiques, alors que la crédibilité de la plainte d’Anita Hill était remise en question du fait de ses nombreuses contradictions. Au bout du compte, la commission sénatoriale ne trouva rien pour corroborer les déclarations d’Anita Hill et Thomas est difficilement confirmé par 52 voix contre 48 le 15 octobre 1991. *
*Ce texte est librement inspiré tiré de : fr.wikipedia.org/wiki/Clarence_Thomas
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