Un oasis de biodiversité protégée
Un texte de Isabelle Grégoire
Paru dans le numéro Automne/Fall 2022
Publié le : 11 août 2022
Dernière mise à jour : 11 août 2022
Les milieux humides, riches en biodiversité, régulent le réseau hydrique telle une zone tampon absorbante, entre la rivière et la terre.
À l’hiver 2021, la Fiducie foncière du mont Pinacle, l’organisme Corridor Appalachien et la famille Castonguay-Robitaille scellaient une entente officielle pour assurer la conservation à perpétuité d’un irremplaçable milieu humide au cœur du village d’Abercorn, dans le corridor écologique du mont Pinacle. Ce site naturel, caché derrière le cimetière du village, se compose d’un riche habitat forestier et d’une belle terre humide, connectée à la rivière Sutton.
Précieux refuge pour la biodiversité
Un marais ouvert, entouré d’un marécage d’aulnes et de saules, reçoit et retient l’eau qui ruisselle de la vallée vers la rivière. Dans ce précieux refuge abonde une diversité d’arbustes, de fougères et de plantes herbacées pour la faune. Des centaines d’animaux profitent de l’humidité ambiante du marais, de la dense canopée du couvert marécageux, de la diversité de matériaux pour s’abriter, de l’eau fraîche en permanence et de l’abondance de nourriture. Noyer cendré, matteuccie fougère-à-l’autruche, dentaire à deux-feuilles, sanguinaire du Canada, sont quelques-unes des précieuses espèces à statut précaire, au Québec ou au Canada, que l’on retrouve dans cette oasis de biodiversité protégée.
Dans ce terrain grouillant de vie, plusieurs organismes, oiseaux, amphibiens, reptiles, mammifères et invertébrés, rares et communs, occupent ce territoire de débordement de la rivière Sutton. Vous les avez probablement déjà entendus. Tôt au printemps, les anoures chantent à tue-tête. Les rainettes, crucifères et versicolores mâles, émettent de retentissants « pip pip » et des « grrriiirrr ». Ceci pour attirer et s’accoupler aux femelles qui déposeront, une fois fécondées, leurs milliers d’œufs dans l’eau.
Les rainettes ressemblent à de petites grenouilles, de la grosseur d’un bout de doigt dans le cas de la crucifère. Mais leurs chants résonnent dans tout le village, dès la fonte des neiges. Puis, à l’été, après la reproduction dans le marais, les rainettes vivent dans les érables, les frênes, les ormes, bien accrochées grâce aux ventouses collantes qui coiffent leurs bouts de pieds ; elles sont arboricoles. Elles nous visitent parfois au jardin, mais vivent au marais. Sans le marais, les rainettes, ces petites merveilles de la nature, n’auraient pas d’habitat durable pour vivre.
Écosystème essentiel
Ce riche milieu humide offre aussi une niche viable parfaite pour la tortue des bois, espèce rare en déclin au Québec. Ce fascinant reptile se nourrit de pousses fraîches de fougères, matteuccie, osmondes, onoclées, baies de sureaux, cornouillers, joncs et herbages aquatiques présents entre la rivière et le marécage. Et ce, en toute sécurité et tranquillité ! Aussi, des oiseaux sensibles, tels que le héron vert, le butor d’Amérique et l’hirondelle bicolore vivent librement au marais d’Abercorn. Et même des chauves-souris, certaines désignées en voie de disparition. Ils profitent tous de l’abondance et de la quiétude de ce milieu humide dorénavant protégé.
Cet écosystème essentiel pour la faune l’est tout autant pour nous. Pour les multiples services écologiques, économiques et ontogéniques (santé) qu’il nous rend. Le milieu humide régule le réseau hydrique d’Abercorn telle une zone tampon absorbante, entre la rivière et la terre. Il est indispensable à la qualité et à la quantité d’eau douce de notre territoire. Avec la rivière, ces écosystèmes purifient, approvisionnent, retiennent et rechargent l’eau douce pour notre communauté. Les épisodes d’inondations saisonnières, ainsi que les sécheresses répétées des dernières années, nous aurons conscientisé sur l’importance de protéger ces précieuses réserves de biodiversité et d’eau. Elles sont le maillon central de la chaîne de vie de notre territoire.
Isabelle Grégoire, Fiducie foncière du mont Pinacle