Crystel Pereira, artiste à la une
Un texte de Andrée Pelletier
Paru dans le numéro Automne/Fall 2023
Publié le : 16 août 2023
Dernière mise à jour : 16 août 2023
Outre son grand talent, ce qui frappe chez Crystel Pereira c’est son intelligence et son pouvoir de réflexion.
Elle a l’air d’avoir dix-huit ans. Son regard timide sous sa frange au carré, sa façon de terminer ses phrases d’un léger hochement de tête accompagné d’un petit son affirmatif, ses longues jambes qu’elle ramasse sous elle, et pourtant l’œuvre de Crystel Pereira est véritablement mature.
Elle habite une maison de verre dont on ne devine pas la beauté quand on la voit de la rue. C’est une maison qui a tout pour inspirer l’artiste. D’immenses fenêtres donnent sur la forêt, un plafond très haut, de larges escaliers où deux chats se prélassent paresseusement. Son atelier est perché tout en haut, au bout d’un escalier de fer comme on en voit dans les ruelles de Montréal. De là, la vue est époustouflante.
Elle peint à plein temps depuis quelques années. C’est la pandémie qui a fait qu’elle a abandonné son métier d’ostéopathe. Ne pouvant plus exercer, elle s’est mise à peindre davantage. Puis, elle a constaté qu’en mettant ses toiles sur les réseaux sociaux, elles se vendaient rapidement. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle remette en question son métier « sérieux » pour s’adonner uniquement à la peinture. Crystel Pereira a fait des études en histoire de l’art, en arts visuels à l’UQAM et à Concordia. Elle s’est questionnée sur pourquoi elle peignait. Au bout de sa réflexion, elle a découvert un désir de porter son regard sur une nature qui nous échappe à cause des changements climatiques.
Crystel Pereira est née à Montréal d’une mère québécoise et d’un père portugais. Elle me raconte qu’en regardant les photos des Açores, le pays de son père, les eaux turquoise, les plages à n’en plus finir, elle se demandait bien pourquoi sa famille avait quitté un paradis pour un pays de bancs de neige. Et pourtant c’est ici qu’elle trouve son inspiration. Ces jours-ci, elle travaille littéralement « au ras des pâquerettes ». Elle peint une nature qu’on s’attarde peu souvent à regarder. Les « mauvaises herbes », les pissenlits, le gazon se transforment sur ses toiles en une jungle colorée. Pour sa première exposition solo, elle avait expérimenté avec les grands formats, créant un art immersif, où celui qui regarde a l’impression d’entrer dans la toile, dans l’imaginaire de Crystel.
Son atelier n’a rien des ateliers que je connais. Ici, tout est en place. Il n’y a pas de taches de peinture sur les murs ou sur le sol, pas de tubes de peinture écrasés sur des palettes épaissies de multiples sessions de travail, pas de tasses de café abandonnées. J’ai eu plutôt l’impression d’être dans un laboratoire où les idées foisonnent. Les petits formats côtoient les grands, des essais à l’huile, d’autres au cyanotype. Elle me confie qu’effectivement sa création est basée sur l’expérimentation. Elle est curieuse de tout.
Outre son grand talent, ce qui frappe chez elle c’est son intelligence, son pouvoir de réflexion. J’ai eu l’occasion de le constater en discutant avec elle de l’importance de l’art, de la culture, du rapport entre le créateur et son public. Cette dernière idée ne la touche aucunement, elle n’y pense jamais. Quand elle peint, elle peint pour elle, tout se passe entre son être et la toile. Elle me cite une phrase dont elle ne se souvient plus de l’auteur, mais qui toutefois guide sa création « Pour aller vers l’universel, il faut toucher le profondément personnel ». En regardant ses toiles, j’ai pu vérifier la vérité de son propos…
Elle prépare une exposition solo dont elle m’explique le concept et dont j’ai pu voir les premières esquisses. Je n’en ai vu qu’un petit bout, mais mon cœur a fait un bond quand elle m’a expliqué, quand j’ai vu. Ce sera une exposition que j’ai vivement hâte de voir.
Crystel Pereira est une personne qui donne foi en la suite du monde. Pour la connaître davantage, visitez www.crystelpereira.com ou passez la rencontrer dans son atelier lors du Boulevard des Arts cet automne.
Andrée Pelletier