Des montagnes d’inégalités

Un texte de Anthoni Barbe

Paru dans le numéro

Publié le : 14 août 2024

Dernière mise à jour : 16 août 2024

 

Sur les 18 principaux sommets se trouvant dans Brome-Missisquoi, la moitié sont inaccessibles au public.Sur ces neuf montagnes, huit sont payantes.

La municipalité régionale de comté (MRC) de Brome-Missisquoi a la chance d’être située sur le flanc ouest des montagnes Vertes, un chaînon des Appalaches. Les milieux naturels en montagne font la richesse de la MRC, ils sont essentiels à la bonne santé et à la qualité de vie de la population. Pourtant, tous n’en profitent pas également, c’est même plutôt tout le contraire. 

Sur les 18 principaux sommets se trouvant dans Brome-Missisquoi, la moitié sont inaccessibles au public. Aucune de ces montagnes inaccessibles ne l’est pour des raisons de protection légale de l’environnement. Pour le dire plus sèchement, la moitié des montagnes de la région appartiennent à de riches propriétaires qui les gardent pour leur usage personnel. 

accès aux montagnes
Les plus beaux points de vue naturels du mont Foster ne seront désormais accessibles que pour celles et ceux qui auront les moyens de les avoir directement dans leur salon. Photo : Anthoni Barbe

La moitié des montagnes entièrement privatisées 

Sur les neuf montagnes de Brome-Missisquoi accessibles au public, huit sont payantes. Seul le mont Foster, avec ses quatre kilomètres de sentiers, est accessible gratuitement. Mention honorable au centre de ski du mont Sutton qui laisse randonner librement les gens sur son versant de montagne (le sommet et les alentours sont toutefois payants). 

Les grands perdants sont évidemment celles et ceux qui n’ont pas les moyens de payer tous ces frais pour accéder ou s’abonner aux différents parcs. Quand c’est difficile de joindre les deux bouts à la fin du mois, il est probable que payer autour de 40 $ pour toute la famille pour une activité d’une journée ne soit pas envisageable. Et ce, même si c’est toutes les semaines qu’on devrait aller marcher dans la nature.  

Le comble veut que, bien souvent, les montagnes accessibles et payantes soient gérées par des organismes qui ont bénéficié de fonds publics à un moment ou un autre pour fonctionner. En d’autres mots, quand on n’a pas assez de moyens financiers dans la vie, on peut payer pour l’accessibilité des montagnes via nos taxes sans que cela ne permette d’accéder concrètement aux montagnes de sa région. 

Des montagnes gratuites pour les citoyens les plus nantis

Bromont est le pôle économique de la MRC où le revenu moyen des ménages est le plus élevé. Pourtant les citoyens de Bromont, eux, n’ont pas besoin de payer pour accéder à leurs montagnes. Si vous venez de Farnham ou Cowansville… eh bien, vous n’aviez qu’à avoir vos propres montagnes si vous ne vouliez pas payer pour y aller.   

Les moins nantis iront tous au mont Foster, vous dites-vous peut-être. Si l’on se penche sur le cas de cette montagne, on se rend vite compte que les randonneurs ne sont pas seuls sur cette montagne. Ils cohabitent avec d’autres citoyens qui, à défaut de pouvoir acheter la montagne au complet, en achètent les flancs pour y construire de somptueuses demeures. Est-ce que la seule façon d’avoir une montagne accessible gratuitement dans la région est de privatiser ses versants pour y faire du développement résidentiel de luxe ?

L’accessibilité aux milieux naturels ici et ailleurs

Ce portrait n’est pas le résultat d’une politique réfléchie dans son ensemble, mais bien le résultat d’une combinaison de dynamiques locales indépendantes. L’accessibilité aux milieux naturels n’est pas encore pensée dans son ensemble, ce qui est dommage pour une région qui se présente comme un « parc naturel habité ». 

Pendant ce temps-là, il est possible d’accéder à la quasi-totalité des dizaines de montagnes Vertes du Vermont complètement gratuitement. Résultat : les gens du Vermont se sentent chez eux en montagne et ils prennent soin de ces milieux. Cela tombe sous le sens puisque ce sont ces montagnes qui constituent leurs plus grands attraits économiques et leurs plus beaux paysages; c’est une partie de leur identité. 

Peut-être qu’il serait temps pour nous aussi de donner un véritable accès aux montagnes de la région pour améliorer la qualité de vie de tous les gens de Brome-Missisquoi, pas juste de celles et ceux qui en ont les moyens. Ainsi pourrait advenir une région qui puisse vraiment se prétendre être un parc naturel habité. 

Anthoni Barbe