Les nombreuses vertus de l’asclépiade
Un texte de Robert Piché
Paru dans le numéro Printemps/Spring 2019
Publié le : 17 mars 2017
Dernière mise à jour : 30 octobre 2020
Dans la région de Sutton, on connait bien le milkweed, cette plante au lait blanc collant et aux gousses pleines de soies qui s’envolent à l’automne ; pour la plupart des gens, ce sont des « petits cochons » et une mauvaise herbe, nocive pour le bétail. Qui n’a pas fait, enfant, de petits bateaux avec les gousses…
Dans la région de Sutton, on connait bien le milkweed, cette plante au lait blanc collant et aux gousses pleines de soies qui s’envolent à l’automne ; pour la plupart des gens, ce sont des « petits cochons » et une mauvaise herbe, nocive pour le bétail. Qui n’a pas fait, enfant, de petits bateaux avec les gousses ou égrainé les fibres pour les faire flotter au vent. Il s’agit bien de l’asclépiade, dont on entend maintenant parler en raison de sa fibre qualifiée de soie d’Amérique. Les espoirs sont grands ; on l’a même utilisée pour une expédition sur l’Everest.
Les Hurons se servaient de la fibre de cette plante dans la confection de vêtements, des tiges pour faire des cordages et des graines pour ses propriétés médicinales. Ils ont montré aux Français comment les faire bouillir pour manger les petites gousses, autrement toxiques. On en cultiva même en France pour la soie, projet vite abandonné à la suite de l’arrivée de la soie d’Asie. L’armée américaine l’a aussi utilisé en 1944 pour faire des vestes de sauvetage pour les aviateurs. Aujourd’hui, on peut commander (du Nebraska) des oreillers et des couettes bourrés d’un mélange de cette fibre avec du duvet et même de l’huile d’asclépiade en santé naturelle. Les graines moulues peuvent également servir au contrôle de certains insectes. Au Québec, on trouve du miel d’asclépiade et de petits pots de cornichons d’asclépiade marinés, un mets délicat.
C’est d’ailleurs ici que l’entreprise Encore3 a démarré la production expérimentale de l’asclépiade et développé de la machinerie industrielle pour la récolte de la plante et le traitement de la fibre, ce qui a nécessité des investissements importants. La Coop Monark en Mauricie a été fondée pour intéresser des producteurs agricoles à développer de nouveaux champs. Ce qui n’est pas évident, car cette plante ne parvient à maturité qu’à partir de la troisième saison donc la rentabilité en est affectée. Au début, il fallait embaucher des cueilleurs de semences sauvages, mais depuis qu’elles sont récupérées de façon industrielle les semences sont moins chères et un prétraitement permet de diminuer les quantités requises. La culture de l’asclépiade s’adapte particulièrement bien aux terrains pauvres et difficiles. Qui sait ? Peut-être qu’on en verra un jour sur les pentes de ski du Mont SUTTON ?
Tout le monde a entendu parler des propriétés de cette fibre végétale qui peut remplacer le duvet d’origine animale. En plus d’être un isolant thermique très léger et hydrophobe (elle ne se mouille pas), c’est un excellent absorbant d’huile. D’ailleurs, Encore3 commercialise des absorbants industriels à base de fibres en vrac pour la protection environnementale en cas de déversement accidentel d’hydrocarbures. Pour les isolants à vêtements, la fibre est transformée en « caviolé », un non-tissé compressé à diverses densités commercialisé par Fibres Monark. Ce textile est uniforme, ses propriétés isolantes sont supérieures, et il se travaille facilement, réduisant ainsi la complexité de fabrication. Le premier produit grand public a été mis en marché à l’automne par le fabricant de vêtements d’hiver Quartz. La production de fibres devrait augmenter considérablement au cours des prochaines années, ce qui permettra une diversification des produits : gants, bottes, etc. Pour la production artisanale de vêtements, couettes ou autres, il est avisé d’opter pour du caviolé qui se vend à un prix compétitif au duvet. Car pour obtenir, sans machinerie spécialisée, une fibre de qualité acceptable, il s’agit en réalité d’une tâche fastidieuse qui nécessite beaucoup d’ouvrage et d’organisation. D’autres applications sont aussi prometteuses comme des isolants acoustiques pour l’industrie automobile qui s’intéresse à remplacer le plastique par des fibres naturelles, le problème sera la capacité de répondre à la demande.
La plantation d’asclépiade est aussi recommandée par la Fondation David Suzuki afin d’aider le papillon monarque qui a fait la manchette pour son déclin important depuis quelques années. En effet, les chenilles des monarques se nourrissent exclusivement de feuilles d’asclépiades. Apparemment, cet insecte serait immunisé aux produits toxiques de la plante qui le protègeraient des prédateurs, en raison de leur goût désagréable. Pour semer un acre à une bonne densité, ça prend au moins 10 livres de semences. Pour une livre, c’est 12 livres de follicules à récolter et à égrainer ; déjà plusieurs heures de travail ! Pour ma part, j’ai déjà ensemencé un champ situé près du centre du village. Jusqu’ici, j’ai pu en semer 5 livres. Il en faudrait bien davantage pour avoir un champ fleuri en juin et des papillons monarques jusqu’au centre du village ! Et pourquoi pas du miel et des cornichons d’asclépiades marinés ! Alors, si vous êtes comme moi et que vous voulez faire quelque chose pour ces magnifiques papillons, suivez mon exemple et semez cette plante aux innombrables vertus sur votre terrain ! Ou encore, venez participer à une journée de cueillette et d’égrainage de semences en octobre ! Si vous êtes propriétaire d’un terrain où pousse de l’asclépiade, vous pouvez également communiquer avec moi si vous êtes intéressés à ce qu’on en fasse la récolte à l’automne : robertlpiche@gmail.com
Références :
fr.quartz-co.ca/collections/milkweed
gourmetsauvage.ca/nos-produits/gousses-dasclepiades-marinees/