Nos bâtisseurs

Un texte de Michel Guibord

Paru dans le numéro

Publié le : 21 août 2017

Dernière mise à jour : 3 novembre 2020

 

On se soucie peu de ceux et celles qui nous ont précédés. Ce sont eux pourtant qui, sans faire l’Histoire, ont mis en place notre décor, notre organisation sociale et notre environnement. On pense encore moins à toutes les énergies qu’ils ont dû déployer pour parvenir à leurs fins. Philippe entretenait cette réflexion pendant que…

Michel Guibord à l'oeuvre, tableau de Rachel Dennis

Michel Guibord à l’oeuvre, tableau de Rachel Dennis

On se soucie peu de ceux et celles qui nous ont précédés. Ce sont eux pourtant qui, sans faire l’Histoire, ont mis en place notre décor, notre organisation sociale et notre environnement. On pense encore moins à toutes les énergies qu’ils ont dû déployer pour parvenir à leurs fins. Philippe entretenait cette réflexion pendant que ses nouveaux voisins faisaient arracher la touffe de lilas et les plates-bandes de plantes rustiques qui ornaient leur nouvelle propriété. C’est leur droit, il le reconnaissait. Mais agiraient-ils ainsi s’ils avaient seulement connu la regrettée madame Déry et ses efforts persistants pour fleurir son dur paysage rocailleux ? Lui, il l’aimait bien l’aménagement paysager de sa voisine. De plus, la voir si heureuse de désherber ses hémérocalles, ses phlox et ses monardes lui rendait ses propres tâches horticoles un peu moins insupportables.

Nous ne démontrons pas davantage de considération pour nos bâtisseurs qu’il se disait. Qui se rappelle les démarches de nos dirigeants d’hier pour doter leur région d’hôpitaux et de bureaux administratifs ou pour attirer les industries qui soutiennent nos économies locales ? Qui donc connaît le nom des fondateurs de sa municipalité ? Les divers comités de toponymie auraient beau proscrire à jamais les noms d’oiseaux, de fleurs et de vins, il n’est pas sûr que nous pourrions honorer la mémoire de tous ceux qui, au jour le jour et souvent dans l’adversité, ont modelé nos quartiers, nos villes, nos vies.

Bien sûr, des regroupements de toutes sortes se chargent de distribuer médailles et attestations à des gens qui ont « réussi ». Nos ordres nationaux et provinciaux, nos universités et grandes villes font pleuvoir sur des « citoyens modèles » des honneurs que leur renommée, leur fortune et/ou leurs généreuses charités leur auraient, semble-t-il, mérités. Ce sont la plupart du temps des gestes élitistes d’autogratification pensait-il.

Mais a-t-on seulement une pensée pour les monsieur-madame-tout-le-monde ? Cette gentille madame Déry qui embellissait son quartier par exemple ? On n’attribue trop souvent nos « reconnaissances » qu’à ceux que la vie a gâtés, se répétait-il.

C’est avec ces idées en tête que Philippe décida de planter un chêne. En plein centre de son petit terrain. Il s’en chargerait dès le lendemain. Il en ferait un monument à sa voisine et, pourquoi pas à tous ceux qui patiemment ont édifié sa communauté, dans l’anonymat, sans trop y penser et sans attendre de récompense en retour.

Michel Guibord

Une tranche de vie racontée par Michel Guibord

Post-scriptum :

Plantons un arbre, portons un toast, faisons quelques pas de danse en l’honneur de notre journal Le Tour, de ses fondateurs, de son actuelle éditrice et de l’équipe de collaborateurs. Notre journal entame avec ce numéro, sa 35e année d’existence comme témoin important des coutumes, des affaires et de la culture de notre communauté. Santé ! Cheers! Tchin-tchin !