1901 et 1911: vaccination obligatoire à Sutton

Un texte de Jeanne Morazain

Paru dans le numéro

Publié le : 27 novembre 2021

Dernière mise à jour : 30 novembre 2021

 

À la fin du 19e siècle, on prônait déjà diverses mesures d’hygiène susceptibles d’empêcher la propagation des virus.

vaccination
Photo publiée dans le Canada-Français de Saint-Jean à l’automne 1918.

«Every person residing within the limits of the said Village of Sutton shall be and is subject to vaccination, and the same will be compulsory when such person will or may be requested to be so vaccinated by the Chief Health Officer or any special officer duly hereafter instructed or empowered by this Council for the execution of this By-Law. » Ce règlement (no. 17) a été adopté le 22 juillet 1901 par la municipalité du Village de Sutton pour lutter contre la variole ; le Conseil nomme les trois médecins locaux, les docteurs Macdonald, Cutter et Lorrain, Medical Health Officers.

Étrangement, la municipalité du Canton de Sutton, qui entoure le village, n’adopte aucun règlement semblable. Toutefois, lors de la séance du Conseil du 5 août 1901, elle nomme sur son Board of Health des responsables sanitaires de secteur :  C.M. Willey pour Abercorn, Silas Courser pour Glen Sutton, N.O. Emerson pour Sutton Junction. On nomme le Dr Macdonald Medical Health Officer. Informé d’un cas de fièvre scarlatine, le Conseil du Canton charge A.G. Eastman d’empêcher que la maladie ne se propage.

Dix ans plus tard

L’histoire se répète dix ans plus tard, mais cette fois-ci les deux municipalités imposent la vaccination obligatoire. Les règlements 50 de la Ville et 122 du Canton ont tous deux été adoptés le 1er mai 1911. Ils obligent chaque citoyen de Sutton à obtenir un certificat sanitaire. Celui-ci stipule qu’il est adéquatement vacciné, ou qu’il peut être exempté pour des raisons médicales ou parce qu’il a déjà eu la maladie. Les deux règlements prévoient des sanctions sévères pour qui refuse de se conformer. Une amende de 5 $ qui augmente de 1 $ par jour de refus additionnel. 

Mêmes outils, même combat

Il semble donc, qu’en ce début de 20e siècle, les élus de Sutton soient bien au fait des progrès de la science des vaccins réalisés tout au long du siècle précédent pour lutter contre de meurtrières épidémies. Choléra en 1832, typhus en 1847, variole en 1885.

La vaccination n’est pas la seule arme à leur disposition. La mise en quarantaine des malades et des voyageurs est une mesure de prévention utilisée dès la première moitié du 19e siècle. Il y a fort à parier qu’un grand nombre des quelques 300 Irlandais qui se sont établis à Sutton entre 1845 et 1880 ont séjourné au centre de quarantaine de Grosse-Île.

À la fin du siècle, on prônait déjà diverses mesures d’hygiène susceptibles d’empêcher la propagation des virus. Dans sa Brève histoire des épidémies au Québec, Denis Goulet cite des extraits des directives du Conseil d’hygiène de la province de Québec émises en octobre 1918 lors de la fameuse grippe espagnole : « Nos règlements ont pour but d’empêcher les foules dans les églises, les théâtres, les vues animées, dans les tramways et autres moyens de transport […] Il faut éviter les sorties inutiles. Ce n’est pas le temps des soirées ou des fêtes de famille. Aux soins de propreté corporelle, à une hygiène alimentaire, il faut ajouter le lavage fréquent des mains… » Le port du masque est aussi fortement recommandé. On croirait entendre le Dr Arruda !

Des souvenirs encore frais

Après 1911, nous n’avons plus trouvé de règlements relatifs aux épidémies, même pas lors de la terrible grippe espagnole. Cela ne signifie pas que les autorités de santé publique sont inactives. À l’automne de 1943, une épidémie de scarlatine frappe Sutton. La famille Larouche est durement touchée, nous ont raconté Jean et Gaétan Larouche1. Leur maison comme plusieurs autres est placardée pendant que les malades et leur famille sont en quarantaine. Personne n’entre ni ne sort ; l’épicier doit laisser la commande sur le perron : la correspondance doit être stérilisée. Leur mère, qui écrit souvent à sa famille et à ses amies, désinfecte lettres et enveloppes en les passant au-dessus d’une vapeur de Lysol. Malheureusement, ces mesures n’ont pas empêché la mort de leur sœur de 14 ans, Françoise.

Hier comme aujourd’hui, cette limitation des droits individuels suscite des protestations. Certains mettent en doute l’efficacité des vaccins ; d’autres, la nécessité de mesures sanitaires aussi sévères. Nous ne savons pas quelle a été la réaction de la population de Sutton face aux édits municipaux de 1901 et 1911.

Jeanne Morazain, présidente d’Héritage Sutton

heritagesutton.gmail.com

www.heritagesutton.ca

1. Voir le dossier virtuel intitulé Une histoire de famille sur le site d’Héritage Sutton