Fearless Kelly ou l’intrépide Anik
Un texte de Andrée Pelletier
Paru dans le numéro Hiver/Winter 2023-2024
Publié le : 9 novembre 2023
Dernière mise à jour : 9 novembre 2023
Malgré ses études en histoire de l’art, en ébénisterie et en photographie, l'artiste Anik Kelly sait être sérieuse sans se prendre au sérieux.
« Ayant fait des études de maîtrise en histoire de l’art, cela m’a demandé beaucoup d’acceptation de soi pour continuer à peindre. Pendant cinq ans, tu vois des milliers de tableaux de grands maîtres, de chefs-d’œuvre… (silence). Pis là, tu fais de petits animaux… (silence) avec des “tites fleurs… » J’éclate de rire, elle aussi. Nous sommes d’accord, c’est incroyable comme on peut se juger. Et rares sont les artistes qui ne le font pas. Malgré toutes ses études en histoire de l’art, en ébénisterie, en photographie, et j’en passe, Anik Kelly sait être sérieuse sans se prendre au sérieux.
C’est vrai qu’elle peint, entre autres, des fleurs et des animaux. Mais avec quel talent ! Anik est Suttonnaise de souche. Elle s’inspire de ce qui l’entoure, de ce qui l’a toujours entourée : la nature, les animaux. Quelques fois, elle se demande si elle n’a pas plus de connexion avec les animaux qu’avec les humains. Dans ses toiles, les animaux lui permettent de parler de relations sans rester au premier niveau… et de vivre un peu de magie.
D’ailleurs, Anik et moi avons suivi ensemble un cours de peinture pendant un an. Anik y est arrivée avec son esprit cartésien : elle était déterminée. Elle savait ce qu’elle allait faire, quelle en serait la dimension, la palette de couleurs, etc. Cependant, le cours était construit afin de déjouer cette façon de créer et c’est ce qui lui a permis de changer d’approche et de faire taire le juge en elle. « Avant, [mon art] était construit. J’avais l’intention de créer une image, pas d’avoir du fun », dit-elle. Maintenant, elle cherche à avoir du plaisir. À retrouver la joie de l’enfant de cinq ans qui crée, sans se soucier du résultat final. Comme a dit Lao Tseu : « Il n’y a pas de chemin vers le bonheur. Le bonheur, c’est le chemin. »
Aujourd’hui, elle commence avec un format de toile, un pinceau, ou une couleur, sans idée préconçue. Puis, au fil de la création, tout cela prend l’espace. Chaque élément de la toile porte son propre sens. Le tableau est fini quand tous les éléments interagissent. Puis, quand rien ne fonctionne, elle change d’instrument, elle continue, jusqu’à ce qu’elle en ait assez. Car même quand elle trouve ça laid, elle continue à travailler le tableau. « C’est pas grave que ça soit laid. À force de mettre des couches, il y a des éléments qui se précisent et que tu te mets à souligner plus que d’autres et ça devient plus clair. J’arrête à ce moment-là. Quitte à revenir plus tard », précise-t-elle.
Ou encore, elle commence à dessiner, à calculer, car elle adore les chiffres. Elle fait des calculs qu’elle transcrit sur une grande toile, qu’elle reproportionne après. Elle procède de la même façon quand elle veut insérer un animal dans un tableau abstrait. Il lui arrive même de mettre les ciseaux dans une grande toile pour en créer plusieurs. Quand nous étions toutes deux étudiantes, j’avais l’habitude de l’appeler Fearless Kelly, ou Anik l’intrépide, car en peinture, rien ne semble lui faire peur.
Bien sûr, Anik Kelly est reconnue dans le village comme la doyenne des massothérapeutes. En massothérapie, comme en peinture, elle s’efforce de faire confiance à son instinct, à son intuition et de suspendre, pour un moment, ce sacré juge. On sent d’ailleurs que tout dans sa vie forme un tout. Son espace de massothérapie au décor inusité se transforme en magnifique galerie. Ses toiles sont à peine sèches qu’elles s’envolent. Alors, n’hésitez pas. Passez voir une de ses rares expositions au Mollies situé au 9 Principale Sud à Sutton, du 15 novembre au 29 février et venez la rencontrer lors du vernissage le 3 décembre, de 13h à 16 h.
Andrée Pelletier
Photos : Suzanne Lemay