Gaétan Boulais: l’art de monter les côtes

Un texte de Denis Lord

Paru dans le numéro

Publié le : 10 septembre 2020

Dernière mise à jour : 15 novembre 2020

 

Si d’aucuns perçoivent le sport et l’art comme étant deux univers distincts, le peintre Gaétan Boulais les associe dans son quotidien et dans sa création, où ils deviennent célébration de la volonté de vivre. « Je suis sportif autant qu’artiste, ce que les gens autour de moi ne comprennent pas », de dire ce graphiste de formation et…

Si d’aucuns perçoivent le sport et l’art comme étant deux univers distincts, le peintre Gaétan Boulais les associe dans son quotidien et dans sa création, où ils deviennent célébration de la volonté de vivre. « Je suis sportif autant qu’artiste, ce que les gens autour de moi ne comprennent pas », de dire ce graphiste de formation et fana de vélo, récemment déménagé à Glen Sutton.

Mais c’est un événement tragique qui a fait en sorte que le sport s’inscrive durablement sur ses toiles. Il y a une décennie, son frère Lloyd, dont il était très proche, a été emporté à une vitesse fulgurante par un cancer du pancréas.

Gaétan Boulais a alors décidé de s’impliquer dans la recherche de financement pour vaincre cette maladie. Il a décidé de participer au Cyclo-défi contre le cancer de Montréal. Les participants doivent amasser 2000 $ par le biais de commanditaires. Horripilé par la perspective de plates activités de financement, Gaétan Boulais a eu une idée simple et lumineuse. « J’ai loué un atelier pour la première fois de ma vie, se rappelle-t-il, et j’ai peint trois tableaux de cyclistes. Je les ai vendus 1000 $ chaque en une semaine ! »

De l’énergie avant tout

Cette trilogie picturale cycliste constitue donc un moment charnière pour l’artiste qui, auparavant, peignait paysages, portraits et autres sujets sans véritable  feu sacré, ainsi qu’il le concède.

Boulais œuvre à transférer l’énergie et le mouvement des athlètes dans les couleurs vives de ses toiles, où le paysage est indistinct sinon absent, oblitéré par les traits signifiant la vitesse. Boulais n’accorde pas tant d’importance non plus à la physionomie et à la musculature de ses sujets, lui qui pourtant est un spécialiste du dessin de modèle vivant, qu’il enseignait déjà à 20 ans. Ce qui n’empêche pas ses sujets de se reconnaître dans ses œuvres.

La gestuelle et l’énergie priment sur le détail, notamment grâce à l’utilisation de gros pinceaux. Cette énergie, il la capte d’abord dans ses pochades et essaie de la conserver lorsqu’il reproduit ses œuvres en gros format. Son expérience de graphiste l’aide pour le cadrage.

Peindre le cyclisme n’a pas été sans effet collatéral. « Je suis devenu plus maniaque de vélo », dit Gaétan Boulais. De surcroît, il prémédite ses peintures en roulant. Il songe à des angles, à des approches, visualisant les effets de vitesse lorsqu’il descend les côtes.

Au fil du temps, Gaétan Boulais a diversifié sa représentation des sports, mais le vélo demeure son sujet de prédilection.

L’artiste Gaétan Boulais devant une toile représentant Lyne Bessette.

Le paralympisme

La représentation des disciplines paralympiques s’est peut-être inscrite de manière fortuite dans la démarche de Gaétan Boulais, empreinte d’humanisme, mais, finalement, c’est un aboutissement assez conséquent.

Lors du vernissage de ses tableaux au Grand Prix Cycliste de Montréal, en 2011, un haut gradé du Comité international paralympique l’approche avec l’idée de lui faire réaliser 10 tableaux représentant les meilleurs athlètes des Jeux paralympiques de Londres de 2012. Pour qu’il puisse se préparer, Boulais est invité aux Jeux parapanaméricains de Guadalajara. Le peintre voue une immense admiration à ces athlètes qui transcendent les embûches.

À Guadalajara, il voit jouer Patrick Anderson, qui était déjà une vedette du basketball avant l’accident qui l’a rendu paraplégique. Il observe des sportifs atteints de cécité compétitionner avec un ballon muni d’un grelot pour les aider à se repérer.

« C’était émotivement difficile, se remémore-t-il. Il y avait sur le podium des athlètes sans jambes ou atteints de cécité. Ils souriaient. Moi, je pleurais dans les estrades. Ils sont venus me consoler ! Mais une fois dans l’atelier, je n’étais plus dans la tristesse. »

Prédisposer à guérir

Les tableaux et les occasionnelles sculptures de Gaétan Boulais entretiennent ce dialogue avec la vitalité. Même s’il concède que ses œuvres sont devenues plus conceptuelles avec le temps, avec parfois des histoires cachées, il affirme qu’il faut peindre avec ses tripes. Il faut que l’émotion ressorte.

Un médecin a décoré sa clinique de Mont-Saint-Hilaire d’œuvres de Boulais. Il lui a dit que ses peintures prédisposent à la guérison. Peut-on rêver plus grande louange ? Gaétan Boulais prépare actuellement une exposition à propos de laquelle il préfère ne rien révéler. En parallèle, il souhaite collaborer avec le vélodrome de Bromont à un projet pour les athlètes paralympiques du Québec.

Denis Lord