Joan Matthews: yoga et spiritualité

Un texte de Isabelle Capmas

Paru dans le numéro

Publié le : 22 août 2017

Dernière mise à jour : 1 novembre 2020

 

Quiconque a la chance de connaitre Joan Matthews ne peut rester indifférent. Cette femme a une aura particulière. Elle impose le respect sans même avoir à l’exiger, et pas seulement à cause de sa belle chevelure blanche. Joan a eu 85 ans en mars dernier et c’est toute sa spiritualité et son énergie bienveillante qui…

Joan Matthews du Centre de yoga de Sutton

Quiconque a la chance de connaitre Joan Matthews ne peut rester indifférent. Cette femme a une aura particulière. Elle impose le respect sans même avoir à l’exiger, et pas seulement à cause de sa belle chevelure blanche. Joan a eu 85 ans en mars dernier et c’est toute sa spiritualité et son énergie bienveillante qui irradient de sa gracile silhouette. Elle a épousé la vie avec un heureux mélange de curiosité, d’humour, d’humilité, d’empathie et, surtout, de foi. Il ne s’agit pas seulement de foi religieuse, mais de la conviction intime que quelque chose de plus grand que soi nous accompagne. Joan Matthews ne cherche pas à prêcher ses vertus, au contraire, elle n’hésite pas à parler de ses faiblesses et de ses doutes. Elle est pour beaucoup une guide spirituelle par la profondeur de son cheminement, marqué d’aventures singulières et de rencontres.

« J’aurais pu être une ermite ou une religieuse, mais j’aime trop la musique et la danse ! », confie Joan qui ne pourrait se passer de chanter. Tous ses cours de yoga sont, de fait, bercés de douces musiques ou de chants traditionnels de toutes origines. « Mon contact avec les gens se fait à travers l’enseignement du yoga et mon activité de soutien psychologique. Sinon, je vois très peu de monde. J’ai choisi une vie simple et solitaire, pour trouver le calme et le silence, pour pouvoir lire aussi beaucoup, car les livres me guident sur mon chemin spirituel. Je vis avec trois chats et j’aime intimement la nature et les animaux dont on devrait tirer plus d’enseignements. »

Joan n’en est pas venue à se retirer du bruit du monde du jour au lendemain. Elle a vécu de nombreuses aventures, comme sauter en parachute, mais aussi la dépression. Toujours, elle a fait confiance à la vie et aux autres. Plusieurs personnes ont marqué son parcours, à commencer par ses parents dont elle est la fille unique. Son père Georges Cumine, descendant de la famille royale écossaise, et sa mère Glenna Curley, de la famille de fermiers d’Abercorn, lui ont donné la beauté et une grande sensibilité artistique en héritage. Ils l’ont poussée à faire des études d’institutrice et à être curieuse du monde. Avec son mari, Peter Matthews, elle a élevé avec bonheur trois enfants, Garry, Wendy et Glenn. Lorsqu’ils sont tous partis, très jeunes, Joan s’est séparée en douceur de Peter et a découvert le yoga, tout nouveau en Amérique du Nord. Nous sommes au début des années 70.

« Le yoga — le mot signifie union — était une pratique spirituelle venue d’Inde qui permettait d’unifier le corps, le mental et l’esprit. J’ai tout de suite été très intéressée. » Joan suit alors à Montréal les cours de Molly Lawson.

Parallèlement, sa rencontre avec le psychiatre Robert Shepherd lui fait découvrir son don naturel à aider les personnes en souffrance émotionnelle ou psychologique. Formée en psychothérapie, elle ouvre avec lui le Ruiter Valley Center à Mansonville, qui accueille des gens en crise, et y travaillera six ans tout en commençant à enseigner le yoga.

« L’un des bienfaits de la pratique spirituelle du yoga est de prendre conscience graduellement de toutes les peurs que nous portons en nous : la peur du jugement des autres, la peur du silence intérieur, la peur du futur, la peur de la mort… J’essaie de guider les gens pour qu’ils transforment leur peur en confiance. »

En 1980, Joan part un an en Inde étudier plus profondément le Hatha Yoga dans l’ashram de Swami Shyam à Kulu. Au retour, elle poursuit sur sa voie du yoga et de la guérison spirituelle. Après un séjour marquant d’un an dans la communauté crie de Mistassini, elle se sent appelée à créer son propre centre de yoga. Son père vient de décéder et lui a légué sa maison de Sutton. « Je crois que c’était ma destinée. Je voulais rendre ce qui m’avait été donné et enseigné. » Avec l’aide de quelques amis et de sa famille, elle construit un bel espace clair, ouvert sur la nature et à tous. Le Centre Yoga, au 111, rue Principale Nord, fêtera ce 20 septembre 2017 ses 30 ans d’existence !

Depuis, Joan Matthews s’est ancrée dans la vie de Sutton, devenant l’une de ses figures discrète et lumineuse. Cela ne l’empêche pas de poursuivre sa quête : « J’enseigne ce que je dois apprendre. Je crois intérieurement qu’on ne peut comprendre que ce que l’on expérimente. » Elle apprend sans cesse et n’hésite pas à affronter sa propre vulnérabilité. Il faut lire son récit plein d’humour et de respect sur ses visites hebdomadaires à la prison pour enseigner le yoga à de solides gaillards incarcérés. Ou encore l’histoire poignante de sa retraite spirituelle, en 2000, dans le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau en Pologne : « L’une des expériences les plus intensément émotionnelles de ma vie. »

La profonde spiritualité et la lenteur qui caractérisent les cours de yoga de Joan ne sont pas toujours au goût de tous. « Le yoga au Canada aujourd’hui insiste trop sur le corps. Aussi, nous sommes tous trop pressés, nous avons peur de ralentir à cause de ce qui pourrait surgir. »

Joan Matthews affirme qu’elle a freiné son rythme à cause de son âge bien qu’elle résiste à l’idée de vieillir. « J’aime tellement la vie ! J’éprouve une immense gratitude pour tous les bienfaits que j’ai reçus dans mon existence. » Mais où trouve-t-elle sa vitalité ? « Il faut explorer sa créativité, quelle qu’elle soit. Tout le monde a une énergie créative qui peut s’exprimer de n’importe quelle façon. Pour moi, c’est écrire des poèmes ou des histoires, dessiner ou peindre des mandalas. »

Joan a toujours considéré la vie comme une aventure offrant de multiples possibilités faites d’ombres et de lumières. Cette femme libre et inspirante cultive son bonheur avec sagesse : « Il faut arrêter de se poser la question du pourquoi et comment. Je crois fermement dans le moment présent et dans le mystère divin. »