Léon Courville, Vigneron (Domaine Les Brome)
Un texte de Pierre Pelland
Paru dans le numéro Hiver/Winter 2018
Publié le : 24 novembre 2018
Dernière mise à jour : 1 novembre 2020
Par Pierre Pelland et Noël Masseau Sans hésiter, Léon Courville, ex-banquier devenu vigneron en 2000, décrit son vignoble comme le plus beau du Québec. Le site est en effet spectaculaire. Situé sur les coteaux en face du lac Brome, le vignoble de 22 hectares offre une très belle vue de cette région des Cantons de…
Par Pierre Pelland et Noël Masseau
Sans hésiter, Léon Courville, ex-banquier devenu vigneron en 2000, décrit son vignoble comme le plus beau du Québec. Le site est en effet spectaculaire. Situé sur les coteaux en face du lac Brome, le vignoble de 22 hectares offre une très belle vue de cette région des Cantons de l’Est.
L’emplacement est particulièrement favorable à la culture de la vigne. Il bénéficie d’un microclimat qui protège le vignoble des vents froids dominants. Son altitude procure des nuits fraîches favorisant un cycle végétatif plus lent et un composé phénolique complexe. Son sol rocailleux de type argilocalcaire, couplé à un drainage adéquat, aide les racines à pousser en profondeur. C’est cette symbiose entre la vigne et le sol (et le sous-sol) d’un site qui donne le goût particulier du terroir.
Le bâtiment principal, construit sur deux étages, comprend le chai et les zones d’accueil à la clientèle. Lors des vendanges, les raisins reçus à l’étage supérieur sont déversés directement dans les cuves de fermentation thermorégulées situées à l’étage inférieur. On minimise ainsi l’oxydation, ennemi mortel de tous les vins. Un grand soin est apporté à la fabrication des vins : tri des raisins, utilisation minimale de pompes, lentes fermentations, élevage sur lies et passage en barriques pour certains.
Onze variétés de raisins sont cultivées dont trois vinifieras, le Chardonnay, le Riesling et le Pinot Noir. Les autres variétés sont des cépages hybrides qui résistent mieux au froid et à la maladie.
Les vignes sont cultivées selon les principes de l’agriculture raisonnée, en tenant compte de l’environnement et de la santé de tous dans le choix des traitements contre les mauvaises herbes et les maladies de la vigne. Les mauvaises herbes sont enlevées mécaniquement ou manuellement et le nombre de traitements est limité.
Le vignoble est une affaire de famille. Anne-Marie Lemire, la conjointe de Léon Courville, dirige les opérations et multiplie les initiatives de commercialisation. Comme M. Courville veut produire des vins originaux, cette approche nécessite un marketing accru, ainsi qu’un travail d’éducation pas toujours facile. Le vignoble a notamment été le promoteur québécois du cépage St-Pépin, un hybride développé au Minnesota très résistant au froid, qui lui donne son vin phare (voir plus bas les notes de dégustation de Noël Masseau).
Selon M. Courville, le plus grand défi est de choisir les bons cépages, car contrairement aux vieux vignobles européens exploités depuis de nombreuses générations, le Québec est vierge de tradition vinicole. En plus, il doit composer avec les changements climatiques, une nouvelle donnée inéluctable quoi qu’en disent les climato-septiques. Tout est à découvrir. Ce seront les prochaines générations qui profiteront de ce travail de pionnier.
Notre dégustation ne couvre pas toute la gamme des vins produits par le Domaine, faute d’espace, mais elle donne une idée assez juste de la qualité des vins qui y sont offerts.
Dégustation
Cuvée Détente 2017. Le « rosé de piscine » idéal, selon l’expression même du proprio : robe claire, nez fruité accrocheur, bouche toute en fraîcheur et en délicatesse. Si le jeu de mots ne portait pas à confusion, nous oserions dire qu’il se boit comme de l’eau.
Cuvée Charlotte 2017. Parlant de vin qui incite à la gourmandise vineuse, voici la cuvée toute désignée : nez charmeur d’agrumes et de fleurs, comme l’indique si justement la contre-étiquette de la bouteille, bouche soyeuse, moyennement charnue, hyper fraîche. Un blanc de soif supérieur.
Cuvée Vidal 2017. Selon le goût personnel de chacun, cette cuvée peut être préférée à la précédente ou non. Le nez est tout aussi charmeur, presque sucré, mais moins explosif. Par contre, la bouche est plus ronde, plus ample et plus longue en finale. Deux vins vraiment impeccables qui ne se font pas ombrage.
Cuvée Thomas 2017. Cette cuvée fait un peu exception à la règle parmi les vins dégustés en raison de son assemblage de trois cépages (Baco, De Chaunac et Maréchal Foch). Les amateurs de Bordeaux pourraient peut-être y voir un clin d’œil au grand vignoble bordelais sans que ce rapprochement ne constitue un crime de lèse-majesté. En effet, ce vin, par sa robe rouge orangé, mais surtout ses arômes et ses saveurs évoluées (café, tabac, fleurs fanées) peut rappeler un bordeaux de qualité vieilli à point. Mais la comparaison s’arrête ici, car il s’agit d’un vin sans prétention, voire modeste, mais pas banal.
Cuvée Julien 2017. Le petit frère « sexy » de la Cuvée Thomas. Monocépage (Maréchal Foch) comme la plupart des vins de la maison, il est non pas excessif, mais très affirmé sur tous les plans : robe rouge violacé, nez full fruits rouges (cerise, mûre), bouche enjôleuse à l’avenant et aux tannins discrets. En résumé, on résiste difficilement à ce Casanova du jus de la treille.
En plus de ces vins d’entrée de gamme, le domaine offre une autre gamme de vins dits « de réserve », plus sophistiqués, de prix et de qualité supérieurs.
Réserve Baco noir 2016. Comme l’indique son nom, cette cuvée est issue uniquement du cépage Baco noir. Il s’agit d’un vin assez costaud à la robe rouge soutenu, au nez puissant de fruits rouges (la griotte particulièrement). La différence entre les vins réguliers et les réserves ne tarde pas à ressortir en bouche. Sa masse fruitée et tannique, son volume et sa longueur en bouche n’échappent pas au dégustateur. Une certaine patience nous semble toutefois de mise même si le vin est déjà bon à boire.
Réserve Vidal 2016. Encore ici l’expression haut de gamme prend tout son sens. Avec le Saint — Pépin qui suivra, nous sommes en présence de ce qu’on pourrait appeler les joyaux de la couronne du vignoble Courville. Vieilli treize mois en barrique, il affiche une robe dorée assez soutenue, un nez de fruits tropicaux éclatants (mangue notamment) assorti de notes vanillées et florales, très subtiles, le tout marqué par la délicatesse. La bouche est tout aussi remarquable, ample, ronde, débordante de fruits, tendre et longue. Délices garantis.
Réserve Saint-Pépin 2015. Même s’il chérit tous ses vins, la fierté du professeur-banquier devenu vigneron qu’est M. Courville, c’est le cépage Saint-Pépin et l’expression plus accomplie qu’offre cette réserve. Un peu moins exubérant que le précédent en couleur et arômes (agrumes doucement acidulés, fleurs blanches, notamment de jasmin), il offre une bouche d’une suprême élégance, plus élancée, mais tout aussi dense et concentrée que le Vidal. Franchise et droiture sont au rendez-vous. Il faut goûter ces deux vins pour voir ce qui se fait de mieux au Québec.
XP-V6. Le dernier, mais non le moindre des vins dégustés, cette réserve originale, genre d’extraterrestre vinicole. XP pour expérimentations et V6 pour 6e édition est le produit d’un cépage unique, le De Chaunac, mais d’un traitement singulier : séchage (passerillage) sur lattes des raisins (issus de plusieurs millésimes) pour en concentrer les saveurs, et séjour de 14 mois en barriques de chêne. Sa robe vermillon profond et son nez de fruits compotés rappelant les raisins de Corinthe, les cerises au marasquin et les pruneaux pourraient laisser soupçonner voire craindre une bouche lourde, sirupeuse. C’est tout le contraire. Elle est toute en tendreté, pas très concentrée, mais irrésistiblement savoureuse et fraîche, peu alcoolisée (11,5 degrés). À découvrir absolument !
Notez que la boutique est ouverte pendant la saison froide, de 10h à 16h du lundi au vendredi et de 10h à 17h les samedis et les dimanches. Par contre, elle sera fermée du lundi 24 décembre au 3 janvier inclusivement.