Matthieu Cheminée: un parcours de vie

Un texte de Anne Lecours

Paru dans le numéro

Publié le : 7 décembre 2020

Dernière mise à jour : 8 décembre 2020

 

Matthieu expose ses créations un peu partout dans le monde et récolte des prix dans de prestigieux concours internationaux de design de bijoux. Il enseigne l’art de la bijouterie dans plusieurs pays dont aux États-Unis ...et à Sutton !

Atelier de Matthieu Cheminé, bijoutier
Atelier de Matthieu Cheminé, bijoutier

Connaissez-vous le bijoutier Matthieu Cheminée ? Pendant que vous lisez cet article, je suis dans son atelier, sur la rue Principale à Sutton, en train de fondre de l’or ou de l’argent, de couler des lingots, de les laminer, de tréfiler, scier, limer, texturer, souder, sertir et polir. De nouveaux mots pour de nouveaux gestes que j’apprends sous la guidance à la fois posée et passionnée de l’artiste-artisan. 

Quand Matthieu était petit, son père voyageait dans le monde, d’une cheminée de volcan à l’autre : il était volcanologue. De ses périples, il rapportait à son épouse quantité de bijoux locaux dont l’enfant reconnaissait la beauté, ressentait l’énergie et admirait la technique. Quelques décennies plus tard, Matthieu enseigne l’art de la bijouterie dans plusieurs pays dont les États-Unis. Il expose ses créations partout dans le monde et récolte des prix dans les concours internationaux de design de bijoux.

Voilà une histoire de vie qui a de quoi me plaire, moi qui suis fascinée par les parcours des gens et notamment ceux des artistes et artisans ! 

Matthieu, quand t’étais tout jeune, tu savais que tu voulais devenir artiste-bijoutier? Comment tu t’y es pris pour atteindre ton but? 

Matthieu m’explique qu’il n’a jamais rien planifié de son parcours professionnel. Il a simplement suivi le fil de sa vie, ses élans, ses passions. 

Parti à 19 ans s’installer au Nouveau-Mexique où vit sa grand-tante peintre, il fréquente des artisans bijoutiers Navajo, Hopi et Zuñi. Ils sont sa première école, celle qui fonde les assises de son talent et de son métier. Sa deuxième école est l’Afrique de l’Ouest, où il séjourne pendant deux ans, un peu avant le nouveau millénaire. 

Mais qu’est-ce qui t’a donné l’idée d’aller là-bas, Matthieu? Tu savais que c’était une bonne idée pour ta formation? 

Matthieu m’explique que sa seule idée était d’accompagner sa belle amoureuse rencontrée au Nouveau-Mexique. Elle s’en allait rejoindre sa mère au Mali. Il suivait le fil de sa vie, simplement. Là-bas, il apprend les techniques de bijouterie traditionnelle de plusieurs pays. Il se lie avec un grand nombre d’artisans aussi humbles qu’exceptionnels.

Lorsqu’il arrive au Québec pour raffiner sa formation dans une école de métiers, il passe rapidement d’élève à professeur. Il enseigne à temps plein pendant plusieurs années (à l’École des métiers du Sud-Ouest-de-Montréal et à l’École de joaillerie de Montréal), mais n’oublie jamais ceux qui ont été ses vrais maîtres. C’est ainsi qu’il crée en 2014 la Toolbox Initiative avec un autre grand bijoutier, Tim McCreight. L’objectif du projet est de fournir des outils aux artisans bijoutiers d’Afrique de l’Ouest, qui vivent bien souvent avec des moyens financiers très limités.

Mais qu’est-ce qui t’a donc amené à ouvrir ton atelier sur la rue Principale de Sutton, Matthieu? 

Eh bien, la belle amoureuse rencontrée au Nouveau-Mexique, dont la mère vivait au Mali (vous suivez le fil ?), est native… d’Abercorn. La petite famille de Matthieu s’étant récemment installée à temps plein dans le coin, il réalise un rêve caressé depuis longtemps : créer le premier lieu d’apprentissage de joaillerie des Cantons-de-l’Est. C’est donc à son école que je suis en train de couler mes lingots tandis que vous finissez de lire cet article. Matthieu m’apprend aussi le poinçonnage, sa technique fétiche, avec laquelle il a fait sa marque et dont il est devenu le grand spécialiste. 

Entre deux coups de marteau, j’admire les magnifiques bijoux de Matthieu, tous uniques, exposés sur quelques présentoirs dans l’atelier. Et plus je les regarde, plus je perçois tout ce qu’ils contiennent : l’apprentissage patient des techniques, l’énergie du créateur, le souvenir de ses amis bijoutiers de tous les continents, ainsi que ses rêves réalisés et à venir. 

Un parcours de vie, poinçonné dans l’or et l’argent, serti de pierres précieuses.

P.S.: Pour les curieux, voici deux publications de Matthieu Cheminée :
Legacy: Jewelry Techniques of West Africa et The Art of Stamping

Informations sur les cours : 
matthieucheminee.com
info@matthieucheminee.com