Le Musée d’art singulier de Mansonville

Un texte de Geneviève Hébert

Paru dans le numéro

Publié le : 2 décembre 2019

Dernière mise à jour : 3 novembre 2020

 

Vous avez envie de sortir des sentiers battus cet hiver ? De vivre une aventure particulière ? Un petit détour par Mansonville au Musée d’art singulier de Patrick Cady saura certainement vous dépayser. Psychanalyste de métier, monsieur Cady collectionne des œuvres d’artistes du Québec, du Canada, mais aussi d’Amérique du Sud et d’Europe. Mais pas n’importe quelles…

Musée d'art singulier

La nef centrale du Musée d’art particulier

Vous avez envie de sortir des sentiers battus cet hiver ? De vivre une aventure particulière ? Un petit détour par Mansonville au Musée d’art singulier de Patrick Cady saura certainement vous dépayser. Psychanalyste de métier, monsieur Cady collectionne des œuvres d’artistes du Québec, du Canada, mais aussi d’Amérique du Sud et d’Europe. Mais pas n’importe quelles œuvres. Oubliez les paysages bucoliques. On est dans un tout autre registre. Dans le mystique, le chaos, le sombre. « J’ai même chez moi des choses que je n’oserais montrer au musée, car ce serait trop abrupt… »

De son propre aveu, Patrick Cady préfère l’intensité et les signatures fortes. « Mais j’aime d’abord et avant tout le talent et les œuvres réussies. » Comment sait-il qu’une œuvre est réussie ? « Quand une œuvre est réussie, c’est toujours une victoire sur la souffrance et cette victoire donne mystérieusement à l’œuvre réussie une force d’attraction plus grande encore.»

Dans l’église blanche acquise en 2016, monsieur Cady a accroché autour de 440 œuvres choisies. Faute de place, d’autres résident chez lui ou dans un entrepôt. Le tout forme un ensemble éclectique, étonnamment cohérent. Il y a même une belle parité d’hommes et de femmes artistes. Ces œuvres, le propriétaire ne les a pas acquises dans les galeries traditionnelles. Plutôt dans les expositions sauvages ou à la galerie 106U à Montréal, une coopérative qui donne une vitrine aux artistes marginaux. Il précise qu’il existe mille et une façons de rencontrer les artistes. Parfois, il s’agit d’une chance, parfois de l’obstination.

Pour la petite anecdote, les oeuvres habitent l’Église protestante unie qui avait la particularité d’accueillir absolument tout le monde. « Beaucoup de francophones divorcés y venaient pour se remarier, » précise monsieur Cady. Un peu comme si le lieu avait une prédilection pour l’inclusion, la levée des barrières sociétales. Justement, pour figurer sur les murs de l’endroit, les artistes n’ont pas besoin de diplôme. La plupart sont autodidactes. Certains ont emprunté les circuits psychiatriques, d’autres ont connu la guerre, les traumatismes. Ou ils ont tout simplement une propension pour le côté sombre des choses. À travers leurs œuvres, ils tutoient la solitude, la noirceur, la culture, la religion. Ils y transcendent le déséquilibre, la folie, la peur, la souffrance.

Mary Lou Freel

La part de Dieu de Mary Lou Freel

Patrick Cady connaît les artistes et leurs tableaux intimement. On sent qu’il s’intéresse à leur vie, leur parcours. Lui qui a pratiqué longtemps la psychanalyse en bureau privé à Paris, puis à Montréal, nous les raconte avec admiration et humanité.

Ici, il nous présente les œuvres d’une peintre qui n’utilise que ses ongles et ses doigts, car elle ne supporte pas les pinceaux. Là, les aquarelles rehaussées de crayon d’un réfugié timide et doux, qui a vu les membres de sa famille se faire égorger. Puis, les œuvres d’une autre artiste pour qui, visiblement, « le cordon n’est jamais coupé, la naissance jamais accomplie. » Une série traversée par l’expérience des camps nazis qu’ont vécue les parents d’un autre artiste. Des chefs-d’œuvre de broderie, intrigantes de complexité, sur des sujets comme la guerre et la paix, la divinité et le démoniaque, les moyens de torture à travers les âges ou d’autres, plus personnels. On aimerait en savoir plus sur l’artiste, mais notre narrateur précise qu’elle n’aime pas parler d’elle. Ou de ses œuvres. On se rabat donc sur l’imagination qui ne manque pas de matière.

Mary Lou Freel

La part du Diable de Mary Lou Freel

Notez qu’il n’y a pas de cartons explicatifs qui accompagnent les œuvres au Musée d’art singulier. La présentation de chacune d’entre elles se fait en direct, par le collectionneur lui-même. Il vous raconte les œuvres, mais aussi ses coups de cœur et ses rencontres. Il se fait succinct au besoin, plus volubile selon l’intérêt. Les biographies sur le site du musée, c’est aussi lui qui les a écrites, « à sa manière. » « Publier le CV de chaque artiste ne m’intéressait pas. » La présence de Patrick Cady et ses explications rendent les œuvres étonnamment accessibles. Sa voix douce et son accent français apaisent. Le regard altruiste qu’il pose sur chaque œuvre les rend plus pénétrables.

Lui-même expose ici et là, quelques sculptures primitives. « Je me suis mis à sculpter tardivement après ma rencontre avec l’artiste inuit Barnabus Arnasungaaq, très importante pour moi. Avant cette rencontre, j’étais un consommateur de culture. Après, regarder l’œuvre des autres est devenue une expérience au lieu d’être une consommation. Je me laissais soudain être confronté par l’œuvre, » explique-t-il. Ayant lu un peu sur l’endroit avant d’y mettre les pieds, j’appréhendais cette confrontation. Je m’attendais même à sortir de ma visite oppressée par tant de souffrance. Mais je suis revenue de ma visite étonnamment inspirée. Avec cette phrase de Patrick Cady qui résonne encore dans ma tête : « L’art ne guérit de rien, mais permet de survivre à tout… »

Tout l’hiver, le Musée d’art singulier situé au 307, rue Principale à Mansonville sera ouvert les week-ends sauf le 2e et 3e de décembre. Il est quand même recommandé d’appeler au 514-344-4560 avant de passer. Les visites sont gratuites, mais vous pouvez encourager l’initiative en faisant un don à l’entrée. Pour plus d’information, visitez museedartcontemporainsingulier.ca.