Les Soeurs Racines
Un texte de Nadia Fournier
Paru dans le numéro Hiver/Winter 2023-2024
Publié le : 9 novembre 2023
Dernière mise à jour : 9 novembre 2023
Les Soeurs Racines est un vignoble biologique situé à Si-Ignace de Stanbridge, tenu par Sophie Bélair-Duhamel et Frédéric Ouellet-Lacroix.
Cela fait au moins quatre ans (sinon cinq) que je promets de visiter Les Soeurs Racines. Le vignoble biologique de Sophie Bélair-Hamel et Frédéric Ouellet-Lacroix ne se trouve pourtant qu’à une petite vingtaine de minutes de la maison, à Saint-Ignace de Stanbridge, mais le temps, le temps, vous savez… Tant qu’à attendre si longtemps, j’ai choisi le meilleur contexte qui soit : les vendanges.
La météo pluvieuse de l’été avait créé un environnement propice au mildiou et au botrytis. Ces derniers grugeaient, raisin par raisin, une récolte déjà hypothéquée par les gels du mois de mai. Vraiment, pour les agriculteurs québécois, la saison estivale 2023 n’avait rien du millésime « chaise longue ». N’empêche, en cette dernière journée de septembre, il faisait un temps radieux. Le fond de l’air était léger et le couple de néo-vignerons avait l’air relativement détendu, affichant une sérénité qui s’observe, en général, chez des vignerons-vétérans.
Les vignerons
On comprend mieux le lâcher-prise de Sophie et de Frédéric quand on se penche sur leurs parcours. Sommelier de formation, Frédéric a travaillé chez Joe Beef et cofondé feu le restaurant Les Fillettes, à Montréal. Les imprévus, le chai et l’adrénaline, il connaît et sait comment les gérer. Le gentil géant de près de 2 mètres s’est aussi frotté au travail de vignerons pendant quelques saisons. Notamment chez Véronique Hupin et Michael Marler (Les Pervenches, à Farnham), qu’il considère comme des mentors. Sophie, bachelière en administration des affaires, est aussi détentrice d’une maîtrise en environnement. Sa thèse, disponible en ligne et fort instructive, portrait sur les impacts environnementaux, sociétaux et économiques de la viticulture (conventionnelle et biologique) au Québec et au Canada.
En somme, chacun avait fait ses devoirs : Fred par la pratique, Sophie par les calculs et les études de cas. Ni l’un ni l’autre n’était naïf quant aux défis qui les attendaient lorsqu’en 2017, alors dans la mi-vingtaine, ils ont acquis une terre en friche de 20 hectares. Fort de leurs bagages respectifs, ils se sont dotés d’un modèle d’affaires mixte, qui ne repose pas exclusivement sur la production viticole. Leur domaine se partage entre un vignoble de 2,75 hectares (essentiellement vitis vinifiera) planté entre 2018 et 2023, des pâturages pour l’élevage de cochons, de veaux et de poulets, plusieurs hectares de forêts et un gîte, magnifique, inauguré en pleine pandémie. Fred travaille à temps plein sur la terre depuis quelques années. En mars 2024, Sophie quittera son poste de directrice générale de la municipalité de Saint-Ignace-de-Stanbridge pour se consacrer, elle aussi, à leur projet de vie.
En déposant les sécateurs, après une demi-journée à récolter pinot noir, pinot gris et gewurztraminer chez Les Soeurs Racines, j’ai été saisie d’une profonde admiration pour le couple — parent de jeunes enfants, de surcroît. Ce qu’ils ont construit ensemble est inspirant, tant sur le plan personnel qu’entrepreneurial. Une vie à échelle humaine, proche de la communauté et de la nature, où chaque saison, même l’hiver, devient fertile.
Le gîte
Les Soeurs Racines n’est pas ouvert au public. Ce choix s’est imposé dès le départ, pour mieux veiller, sans distraction, aux besoins du « vivant » sur leur terre. Depuis 2020, les passionnés d’agrotourisme peuvent toutefois s’offrir une immersion dans l’univers des vignerons en séjournant au gîte du domaine, qui jouxte la maison familiale. Un lieu douillet et magnifiquement aménagé (avis aux lecteurs de Beside et de Dwell) pouvant accueillir huit personnes, au cœur d’un écosystème sain et à un jet de pierre du petit village bucolique de Mystic.
Première cuvée
Patate 2022
33 $ — vendus chez quelques restaurateurs et cavistes de Brome-Missisquoi
Première cuvée issue à 100 % du vignoble des Soeurs Racines. Un assemblage de chardonnay et de melon de bourgogne, plantés respectivement en 2018 et 2019. Les deux cépages sont vinifiés séparément et laissés à macérer avec les peaux jusqu’à 8 jours, ce qui explique l’intensité des arômes et une légère tanicité ressentie en fin de bouche. Assez léger et guilleret pour être apprécié à l’apéro ; assez soutenu pour accompagner un pâté au poulet maison et autre cuisine familiale d’hiver. Aucun soufre ajouté.
Pour plus d’information, visitez www.soeursracines.com.
Nadia Fournier