Comment apprécier les vins québécois

Un texte de Dany Gagnon

Paru dans le numéro

Publié le : 15 août 2015

Dernière mise à jour : 1 novembre 2020

 

« Non, je n’aime pas! C’est quoi ce vin? » « C’est un vin du Québec! » « Ils ne sont vraiment pas prêts! » De passage dans une SAQ, ce sont les commentaires qui reviennent malheureusement le plus souvent près d’un comptoir de dégustation. Pourtant, ce ne sont pas tant les vins québécois qui ne sont pas prêts, mais bien…

« Non, je n’aime pas! C’est quoi ce vin? » « C’est un vin du Québec! » « Ils ne sont vraiment pas prêts! » De passage dans une SAQ, ce sont les commentaires qui reviennent malheureusement le plus souvent près d’un comptoir de dégustation.

Pourtant, ce ne sont pas tant les vins québécois qui ne sont pas prêts, mais bien le palais des amateurs de vin. Voici les points peu négligeables qui auraient permis une meilleure appréciation des vins du terroir.

Premièrement, il arrive trop souvent que le vin rouge offert en dégustation dans des petits contenants de plastique soit à la température de la pièce, soit 20 degrés Celsius. En 33 ans dans le domaine du vin, je n’ai JAMAIS servi un vin à la température de la pièce! Pas même en camping! En effet, pour respecter les saveurs « intentionnées », une différence d’un degré suffit! Avec un peu d’attention, on s’aperçoit que les saveurs changent au fur et à mesure que la température du vin augmente. À température ambiante, on ne retrouve plus les saveurs que le vigneron désirait offrir au consommateur.

Deuxièmement, le vin offert n’est presque jamais préalablement mis en carafe. Il faut savoir que TOUS les vins de terroir, peu importe leur provenance, sont grandement bonifiés lorsqu’ils sont mis en carafe environ 8 heures à l’avance, voire plusieurs jours pour les plus authentiques. Le vin n’est pas un « prêt à boire ». C’est pour cette raison qu’il existe une section « prêt à boire » dans les SAQ. Si tous les produits vendus en SAQ l’étaient, on n’aurait pas pris la peine de créer cette section. Dans un même ordre d’idée, le premier test proposé à mes étudiants est d’acheter 2 vins du Québec identiques, un qu’ils mettent en carafe et un autre qu’ils servent sans préparation. C’est le jour et la nuit! Ces derniers s’aperçoivent rapidement que la carafe permet non seulement un assouplissement des acides, mais aussi de l’amertume et des tanins contenus dans le vin.

Troisièmement, la SAQ offre toujours le vin à déguster sans accompagnement. Erreur. L’un des premiers exercices effectués dans mes ateliers est de comparer le vin « avec » et « sans » nourriture. Très vite, les commentaires affluent : tous réalisent à quel point le vin goûte différemment avec la nourriture. Et c’est normal puisque la très grande majorité des vins secs ne trouvent leur équilibre en bouche qu’accompagnés de nourriture. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on les fait toujours un peu plus acides, un peu plus amers, un peu plus tanniques, afin de préparer les papilles gustatives au mélange des saveurs. De cette façon, le vin retrouve son élément essentiel, son juste équilibre afin d’offrir les saveurs à partir desquelles, mais surtout POUR LESQUELLES il a été créé. Aussi, par méconnaissance du sujet, les consommateurs ne possèdent pas le réflexe d’apprécier adéquatement ce qu’ils boivent. Un connaisseur apprécie l’acidité du vin, son amertume et l’assèchement de sa bouche par le tanin. Il sait qu’avec un met approprié, l’inconfort ressenti lors de la dégustation « à sec » (sans nourriture), devient l’allier de l’accord mets/vins. Il sait pertinemment que la présence de ces trois éléments demeure essentielle pour rehausser tout mets et ainsi atteindre l’accord parfait. Malheureusement, la plupart des gens s’attendent à ce que le vin rallie les saveurs qui correspondent à leur palais, à leurs habitudes de consommation. Mais un vin de terroir n’est pas un Coca-Cola.

Ce qui me mène à mon quatrième point qui est de ne pas juger le vin dès la première bouche. La première gorgée de vin est souvent imbuvable. Il faut savoir que la mise en bouche initiale ne s’effectue que pour rassasier les papilles gustatives primaires qui détectent de prime abord l’acidité, l’amertume, le sucre et, dans le cas échéant, le salin. Or, c’est uniquement une fois rassasié que l’on ouvre d’autres papilles qui, elles, sont en mesure d’apprécier les saveurs les plus intéressantes. En résumé, la complexité d’un vin, sa raison d’être, ne peut se trouver qu’en deuxième ou troisième bouche. Après plus de 30 années dans la dégustation de vins, il m’est physiquement impossible de juger un vin en première bouche. Je dois rassasier d’abord mes papilles basiques si je veux ensuite accorder au vin tout le mérite qui lui revient. Bref, comme toute première rencontre, on se doit d’éviter les opinions précoces. Alors, un conseil : préparez votre palais avant toute chose, en prenant soin de bien gargariser en première bouche et évitez les idées préconçues!

Quant au cinquième manque à gagner, il se trouve tout simplement dans la méconnaissance de son propre palais. Prenons un adolescent qui ne se nourrit que de McDo et de Burger King. Pensez-vous qu’il saura apprécier une belle salade fraîchement cueillie du jardin de sa grand-mère, pourtant faite avec les meilleurs ingrédients? Pas du tout! L’explication se veut fort simple : son palais n’a simplement pas l’habitude des produits du terroir. Pas plus d’ailleurs, que la majorité des consommateurs de vins qui ne boivent que des vins « technologiques » vendus dans le monopole de la SAQ. Ces produits sont souvent manipulés et mélangés avec une très grande diversité d’autres produits, le plus souvent chimiques. Un procédé malheureux qui ne vise qu’à augmenter les profits et faire correspondre les saveurs et les caractéristiques du vin au palais des consommateurs. La bonne nouvelle, c’est qu’un vin de terroir est à l’opposé d’un vin technologique. On y privilégie la complexité originelle olfactive et gustative de la matière première et du terroir. Comme 90 % des vins vendus en SAQ sont des vins « fabriqués », comment en vouloir à son propre palais de s’y être habitué? Alors, lorsque se présente l’occasion d’apprécier un vin de terroir, un VRAI vin fait de façon naturelle, une certaine éducation du palais s’impose.

J’espère ici vous avoir fait réfléchir sur le fait que, finalement, ce ne sont pas les vins du Québec qui ne sont pas prêts, mais bien le palais et les connaissances des consommateurs. Retenez que devant un vin de qualité, on ne dira plus qu’il n’est pas bon, mais que votre palais n’est simplement pas prêt pour des saveurs authentiques, différentes de celles dont il a l’habitude! Nuance!



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