La femme de personne d’Anne-Marie Desbiens
Un texte de Geneviève Hébert
Paru dans le numéro Hiver/Winter 2019
Publié le : 2 décembre 2019
Dernière mise à jour : 3 novembre 2020
Je viens de terminer le livre La femme de personne d’Anne-Marie Desbiens. Résidente de Dunham, cette dernière a publié son deuxième roman en septembre dernier. Son premier, La jeune fille du rang, s’était vendu à plus de 6000 exemplaires. Au Québec, il faut en vendre 3000 exemplaires pour être considéré un best-seller. C’était assez pour…
Je viens de terminer le livre La femme de personne d’Anne-Marie Desbiens. Résidente de Dunham, cette dernière a publié son deuxième roman en septembre dernier. Son premier, La jeune fille du rang, s’était vendu à plus de 6000 exemplaires. Au Québec, il faut en vendre 3000 exemplaires pour être considéré un best-seller. C’était assez pour attiser ma curiosité. Et je n’ai rien regretté.
J’ai adoré ce livre d’Anne-Marie Desbiens. J’y ai découvert une autrice avec un sens aiguisé des relations et des émotions souvent contradictoires qui les sous-tendent. L’autrice décrit aussi bien le profil psychologique d’un adolescent tourmenté dans sa quête d’identité que celui d’une mère de famille divisée entre ses désirs d’émancipation et ses obligations familiales. J’ai vraiment pris plaisir à suivre ses vibrants personnages à travers leurs histoires et leurs enjeux respectifs.
En bref, le livre nous transporte dans le Montréal des années 63 et 64, une époque pas si lointaine, mais qui confine encore les ambitions de la femme à la sphère domestique. L’autrice brode d’ailleurs habilement à travers son récit quelques jalons de l’histoire de la femme au Québec. Elle nous rappelle par exemple que c’est grâce à Marie-Claire Kirkland-Casgrain et à la loi 16 que la femme est devenue une personne juridique à part entière. Avant ça, elle ne pouvait pas gérer elle-même un compte bancaire, signer un bail, ni même avoir un travail sans l’aval de son mari.
Adoptée en 1964, cette loi s’avère un véritable salut pour Thérèse, la protagoniste de La femme de personne, qui se définit davantage par son travail que par son rôle de mère et d’épouse. Elle qui n’a pas l’instinct maternel très développé, doit user de subterfuges pour ne pas se conformer au moule dans lequel son mari aimerait tant qu’elle se fonde. Son anticonformisme attise le mépris, la méfiance et la jalousie chez plusieurs, du logis familial au bureau. Les mœurs de l’époque ne permettent pas encore aux femmes ni aux homosexuels d’ailleurs d’afficher leurs véritables couleurs.
Le Québec des années 60, engoncé dans ses idéaux rétrogrades, transpire jusque dans les dialogue. Une langue aux expressions québécoises savoureuses, ainsi que quelques passages en anglais, ont été savamment imbriqués dans le récit. Même les traductions en bas de page ne manquent pas de finesse. On sent qu’Anne-Marie Desbiens n’en est pas à ses premières armes en écriture.
Avant octobre dernier, je ne connaissais pas l’autrice. Même si elle a exercé plusieurs métiers, dont celui de comédienne, Anne-Marie Desbiens semble toujours avoir manié la plume. Depuis plusieurs années, elle exerce d’ailleurs le métier de conceptrice-rédactrice pour nombre d’entreprises prestigieuses. Le fait qu’elle réussisse quand même à mener de front plusieurs projets littéraires, dont un blogue et des ateliers d’écriture créative me subjugue. L’autrice a quand même réussi à publier deux romans en deux ans. Dans son deuxième opus, elle reprend un des personnages secondaires du premier roman pour en approfondir le profil. Je crois qu’on peut s’attendre à retrouver des personnages de La femme de personne dans d’autres romans à venir. Pour notre plus grand bonheur!
La femme de personne est en vente chez Attractions à Cowansville et chez Brome Lake Books à Knowlton.