Après la pluie

Un texte de Anne-Marie Courtemanche

Paru dans le numéro

Publié le : 5 Décembre 2020

Dernière mise à jour : 5 Décembre 2020

 

Et si le cannabis récréatif pouvait contribuer à rentabiliser des petites fermes biologiques au Québec ? Retour sur une entreprise innovatrice de Bedford.

Cultiver du cannabis pour protéger des terres biologiques au Québec

Il y a plus de 10 ans, Aurélien Pochard, issu du milieu des arts de la scène, quitte sa France natale, pour s’installer au Québec avec Amélie Bourbonnais.

Les deux artistes roulent leur bosse. D’abord en ville. Mais la campagne les appelle. D’urbains, ils deviennent ruraux, et travaillent dans différentes fermes bio du Réseau des fermiers de famille, jusqu’à ce qu’ils démarrent, ensemble, Les Jardins du Chat Noir, une entreprise maraîchère biologique qui lance sa première saison à Bedford, en 2017.

Aurélien Pochard. Après la pluie, culture du cannabis à Bedford
Aurélien Pochard. Après la pluie, culture du cannabis à Bedford

Aurélien s’intéresse depuis longtemps à la culture du cannabis. « Ç’a été ma première expérience de culture, lance-t-il. En 2017, la légalisation du cannabis était dans l’air. On en discutait. Mais on ne savait pas encore ce qui serait possible. »

Après mûres réflexions, il dépose, dans le cadre de la consultation publique lancée par Santé Canada, un mémoire pour la culture écologique du cannabis récréatif, à petite échelle. 

L’année suivante, il ébauche son premier plan d’affaires visant une microculture en serre, chauffée à l’année. Mais le projet ne correspond pas à ses valeurs de maraîcher biologique qui s’efforce de préserver la biodiversité, d’améliorer la santé des sols et de cultiver des légumes sains.

« La culture du cannabis en serres est très énergivore, mais elle a l’avantage de permettre quatre récoltes par année, contrairement à une récolte par année en champs, poursuit-il. De son côté, la culture extérieure est beaucoup plus écologique et permet de créer un produit unique en fonction du sol dans lequel la plante pousse, contrairement au produit de serre uniformisé. »

Convaincu qu’il souhaite cultiver en champs et créer un produit du terroir, il quitte Les Jardins du Chat Noir à la fin de la saison 2019 et travaille à la Société québécoise du cannabis (SQDC), comme conseiller à temps partiel, tout l’hiver. « Ça m’a permis de comprendre le produit, de découvrir la clientèle et ses goûts. J’ai confirmé ma théorie qu’il existe une demande pour un produit du terroir, un produit biologique. Avant de quitter la SQDC, j’ai présenté mon projet à la personne responsable des achats. Celle-ci s’est montrée très intéressée à travailler avec de petits producteurs au Québec. »

Une naissance réfléchie

Il n’en fallait pas plus pour que naisse Après la pluie. Un projet d’environ 2,5 millions de dollars, entre la première pelletée de terre et l’arrivée du produit sur les tablettes. Le tout sur une terre louée avec option d’achat, à Bedford.

« Les exigences de sécurité sont coûteuses, dit Aurélien Pochard. Le bâtiment et les dispositifs de sécurité, à eux seuls, coûtent 1,4 million de dollars. L’objectif est de commencer la construction à l’automne 2021 afin de réaliser la première récolte à l’automne 2022 . Nous avons eu la chance d’avoir un grand soutien de la municipalité. »

L’obtention de financement privé étant incontournable, il demande à Fresh Press, un collectif de professionnels du cannabis fondé par Alla Malyezyk, pour l’épauler en matière de relations de presse.

« L’industrie du cannabis est une industrie de géants, et la production se fait dans des serres immenses, explique Alla. Ça génère des tonnes de plastique et ça pollue les sols et les cours d’eau. La seule manière de faire un effort en ce sens est de cultiver en champs. » Ils planchent donc ensemble à la campagne de financement qui doit être lancée sous peu.

Alla Malyezyk. Après la pluie, culture du cannabis à Bedford
Alla Malyezyk. Après la pluie, culture du cannabis à Bedford

De collaboratrice, Alla devient partenaire dans l’entreprise, séduite par la mission qu’Aurélien a donnée au projet. « C’est un produit de luxe au prix très élevé. Mais nous, on fait quoi avec les retombées du projet ? On accumule du matériel ? On devient riches ? Ça ne nous intéresse pas », tranche Aurélien.

Il contacte donc Protec-Terre, un organisme dont la mission est de favoriser la création de fiducies d’utilité sociale agricole (FUSA). Il décide que les profits de l’entreprise serviront à protéger des terres biologiques, une mission dont les retombées peuvent se décupler au Québec. 

« Si on peut créer des projets qui génèrent beaucoup d’argent, il faut que ça serve. Des producteurs maraîchers de notre réseau s’intéressent à la possibilité de créer des microcultures en champs. Et si le cannabis récréatif pouvait contribuer à rentabiliser des petites fermes biologiques au Québec ? » Il est permis de rêver, et Aurélien est fermement décidé à transformer ce rêve en réalité. Pour en savoir plus sur le projet : apreslapluie.ca.

Après la pluie, culture du cannabis
Après la pluie, culture du cannabis à Bedford