Grand cerisier de nos contrées
Un texte de Annie Rouleau
Paru dans le numéro Automne/Fall 2024
Publié le : 14 août 2024
Dernière mise à jour : 14 août 2024
Le cerisier tardif, ou Prunus serotina, n’est pas une plante médicinale aux mille vertus, c’est un spécifique des muqueuses irritées.
Depuis quelques années, j’ai la chance d’apprendre énormément de choses sur les arbres en travaillant avec des gens consciencieux qui partagent leurs connaissances généreusement, sans chipoter quand, entre deux corvées, je prends une demi-heure pour récolter certains bourgeons, fleurs ou écorces. Toutes ces récoltes miraculeuses se transforment en potions qui serviront à soulager de nombreux maux, je suis donc on ne peut plus reconnaissante d’avoir accès à cette pharmacie à ciel ouvert ! Ma plus récente récolte est tout à fait appropriée pour le temps froid qui arrive avec l’automne, je suis donc en possession d’une bonne quantité d’écorce de cet arbre majestueux duquel je veux vous parler aujourd’hui, le cerisier tardif, aussi appelé prunier d’automne, le Prunus serotina.
Le cerisier tardif est le plus grand et gros prunus indigène du pays. Il peut atteindre les vingt mètres de haut et vivre jusqu’à cent cinquante ans. L’écorce des jeunes arbres ressemble à celle des cerisiers de Pennsylvanie et de Virginie avec des lenticelles horizontales bien nettes, soit ces petites fentes pâles en forme de tiret sur l’écorce des arbres, servant aux échanges gazeux avec le milieu extérieur.
Avec l’âge, l’écorce du cerisier tardif se divise en écailles plutôt carrées, recourbées sur les bords verticaux, ce qui lui donne un aspect assez facile à identifier. Ses feuilles sont assez longues et fines, se terminant par une pointe atténuée. Elles sont d’un beau vert foncé luisant. Ils sont souvent très beaux et très droits les cerisiers tardifs, ce qui les rend pratiques et agréables à travailler sur un moulin à scie. Leur bois est utilisé en ébénisterie. Les cerises produites par l’arbre sont amères et astringentes, mais comestibles. Il faut simplement réussir à les atteindre !
À l’image du goût de ses fruits, une des propriétés médicinales du cerisier tardif est l’astringence. Ceci le rend efficace pour l’irritation des muqueuses intestinales et urinaires. La plante est indiquée pour les troubles diarrhéiques et pour l’atonie digestive, donc lorsque les contractions intestinales manquent de tonus et que la digestion manque de vigueur, le cerisier tardif lui redonne un petit « kick » pour que le transit soit optimisé. Il est aussi utilisé pour l’irritation et l’inflammation des yeux, en bain oculaire ou en compresse.
Le principal système de prédilection du cerisier tardif, aussi en lien avec son astringence, se situe au niveau respiratoire. Il est littéralement un antitussif pur avec, en complément, des qualités antispasmodique et bronchodilatatrice. Il est donc indiqué en cas de toux sèches, irritantes et épuisantes, improductives, genre coqueluche, croup, bronchite. Attention ! Il ne convient qu’à ce type de toux, car s’il inhibe le réflexe, il risque aussi d’arrêter une toux qui veut devenir grasse et productive, donc où l’expectoration sera bénéfique. En général, les symptômes ne mentiront pas, mais une consultation peut être indiquée pour obtenir une évaluation claire.
Le Prunus serotina n’est pas une plante médicinale aux mille vertus, c’est un spécifique des muqueuses irritées. Comme son port droit et fort, il n’embrasse pas la vie entière, mais se manifeste avec intégrité, là où il est, tel qu’il est. J’adore cet arbre !
Le petit hic sera de s’en procurer. De l’arbre, l’écorce interne est utilisée, celle des racines aussi. L’herboristerie La Clef de champs dans les Laurentides en inclut dans un de ses mélanges. Il s’agit du Pulmonathé. Comme son nom l’indique, il sera indiqué pour les troubles respiratoires, mais d’une manière moins spécifique que celle du serotina seul. Quelques ressources sur le web en proposent, il convient alors de magasiner.
Le magasin L’Alchimiste en herbe à Montréal en tient en vrac et il est possible de commander chez eux, mais ça implique un voyage en ville. Reste les options de consulter votre herboriste ou de trouver un cerisier tardif, d’en prélever une branche ou deux et d’en récolter l’écorce pour ne garder que la partie interne. Gardez en tête qu’il s’agit d’un organe vital de l’arbre donc allez-y mollo! Vous pourrez alors la sécher ou la mettre à macérer dans un alcool neutre à 40 %. Ça tombe bien, l’automne est le moment idéal pour récolter l’écorce des arbres médicinaux !
Du bon temps, je vous souhaite !
Annie Rouleau
Herboriste praticienne
annieaire@gmail.com
Références
Materia medicina, Flora Medicina, école d’herboristerie, 2009
The Energetics of Western Herbs, par Peter Holmes, éditions Snow Lotus Press 1998
La vertu des arbres, par Pline L’ancien, éditions Arléa 1995
Les arbres du Canada, par John Laird Farrar, éditions Fides 1996