Le Château de Cartes

Un texte de Geneviève Hébert

Paru dans le numéro

Publié le : 4 juin 2019

Dernière mise à jour : 1 novembre 2020

 

Par Geneviève Hébert et Noël Masseau Après 20 ans à travailler dans le milieu de la radio et de la télévision, en 1995, Stéphane met tout sur la glace. Il part étudier la viticulture pendant 6 mois en Alsace. À son retour, il fait ses premières armes avec Gilles Benoît et Carole Desrochers, pionnière québécoise…

Par Geneviève Hébert et Noël Masseau

Château de Cartes

Le propriétaire Stéphane Lamarre lors de la transformation

Après 20 ans à travailler dans le milieu de la radio et de la télévision, en 1995, Stéphane met tout sur la glace. Il part étudier la viticulture pendant 6 mois en Alsace. À son retour, il fait ses premières armes avec Gilles Benoît et Carole Desrochers, pionnière québécoise de la viticulture biologique.

En 2006, il achète le verger La pomme qui rit, terre sur laquelle il établit le vignoble et cidrerie Le Château de Cartes. La propriétaire l’introduit à la philosophie de l’agriculture raisonnée. C’est un « mode de production agricole qui vise à limiter la quantité d’intrants chimiques en privilégiant la régulation naturelle, en assurant néanmoins le meilleur rendement économique possible.[1] »

Depuis, il y va à coups d’essais et erreurs, sur ses 9 hectares au vignoble et sur les coteaux dunhamiens. Il cultive le raisin, mais aussi la pomme et la cerise. Comme la plupart des propriétaires-vignerons, Stéphane touche à tout: plantation, entretien, récolte, transformation, embouteillage et mise en marché. Mais comme il le dit lui-même, sa force à lui, c’est la transformation. « Je travaille avec les cépages disponibles. Il faut être créatif. »

De la créativité à revendre

De la créativité, Stéphane ne semble pas manquer. Il ne se contente pas de faire du vin blanc ou rouge. Il essaie d’innover en mettant les qualités de chaque cépage de l’avant. Avec le Frontenac blanc, qu’il qualifie de « facile à faire pousser, mais assez neutre au goût, » il fait depuis peu, un vin orange, en y ajoutant du Osceola Muscat. Nouvelle tendance de l’heure, le vin orange est un vin blanc fait comme un rouge. On extrait le jus des raisins comme pour faire un blanc, mais on laisse la peau du raisin macérer. Ça lui donne non seulement un peu de couleur, mais plus de tannins et d’amertume, afin d’accentuer les saveurs. Lorsque nous sommes passés, tout juste mise en bouteille, la moitié de sa production était déjà vendue.

L’ancienne propriétaire avait planté du Ste-Croix pour en faire des gelées. Bien qu’elle n’avait jamais vinifié de Ste-Croix, elle lui avait dit : « on ne peut pas faire du vin avec ça; la peau n’a pas bon goût. » Mais, en le pressant vite et en y ajoutant du Vidal, il en a fait un Blanc de noir, un vin blanc produit avec des raisins noirs à jus blanc.

« Le bon raisin ne fait pas nécessairement du bon vin et on peut faire du bon vin avec du mauvais raisin. Par contre, pour faire un excellent vin, ça prend du bon raisin et un bon viniculteur. » D’ailleurs, depuis que les vins Québécois se retrouvent en épicerie, ceux-ci n’ont pas le choix de se démarquer. En ce moment, l’Atout rouge est son meilleur vendeur en épicerie. « Au Québec, on n’a pas un terroir de rouge. Mais les québécois sont des buveurs de rouge, » ajoute-t-il. Par contre, les québécois aiment le rosé. Du coup, Stéphane a envie d’essayer de faire un vin de type Claret. Cette appellation contrôlée des vins de Bordeaux est un vin dont la couleur se trouve à mi-chemin entre le rouge et le rosé.

« J’aime avoir une liberté de création. Je ne suis pas quelqu’un qui va faire le même vin pendant 30 ans. Il y aura peut-être des classiques. À la limite, j’aime créer des modes comme le blanc de noir ou le vin gris. Le vin orange en ce moment. Mais il faut savoir quand se retirer de la vague. » D’ailleurs, lors d’une dégustation passée, nous avions été plusieurs à apprécier son Frontenac noir, de type porto, dont il lui reste quelques bouteilles. Mais comme il dit, « la mode n’est plus aux portos. »

Depuis 2 ans, Le Château de Cartes offre de la pizza au four à bois sur sa grande terrasse couverte les week-ends. Cette offre rejoint, entre autres, les groupes. Par contre, maintenant que les revenus ont augmenté grâce aux ventes en épicerie, il se questionne. « Est-ce qu’on s’étourdit pour rien avec l’agrotourisme? » L’agrotourisme représente environ le quart de son chiffre d’affaires. En revanche, de là vient une grande partie de ses coûts, notamment en main d’œuvre. Et cette main d’oeuvre se fait de plus en plus rare. En tout, Stéphane embauche 2 employés à temps plein et 7 saisonniers. Ces derniers s’occupent surtout de la boutique qui ouvre de mai à novembre. L’été, la boutique peut recevoir jusqu’à 400 touristes par jour. Sur place, vous trouverez ses dernières créations, mais aussi quelques « classiques » qu’il garde pour répondre à certaines clientèles-cibles, comme le cidre de glace.

Aussi, cette année, restez à l’affût, car il devrait commencer à expérimenter avec l’alambic. Son grand-père avec qui il fabriquait autrefois un alcool de betteraves serait fier de voir son petit-fils produire son propre alcool de petits fruits, de pommes ou de raisins. On a très hâte de goûter ça!

Château de Cartes

Notes de dégustation

Par Noël Masseau

Le domaine Le Château de Cartes commercialise 16 produits fort différents et pas facilement comparables. Comme un choix s’imposait d’emblée afin d’éviter une liste interminable de notes, nous nous sommes inspirés du nom de l’établissement pour faire notre sélection : quatre produits sont retenus pour former notre CARRÉ D’AS.

Le nom du domaine nous inspire également une remarque générale concernant ses produits. Qui dit château de cartes sous-entend inévitablement légèreté, finesse, fraîcheur et équilibre fragile. Voilà ce qui semble caractériser les vins produits par Stéphane Lamarre. Les amateurs de vins costauds, gras, ronds, qui en mettent plein la vue et surtout la bouche ne sont pas à la bonne adresse. Le seigneur des lieux affiche un parti-pris sans complexe pour la fraîcheur et la légèreté. Ce qui se traduit notamment par des degrés d’alcool très bas, tout naturellement adaptés à la consommation estivale.

Notre carré d’as débute par un cidre, le BOUCHÉ, un produit inspiré par les cidres fermiers français. Il a tout pour plaire aux amateurs de cidre : très belles bulles fines et persistantes, arômes francs de pomme verte, tout en subtilité, aucune trace de sucre, finale d’une fraîcheur impeccable. Un petit délice.

Notre deuxième choix est le VIN GRIS, un rosé à la robe orangée assez soutenu qui rappelle les rosés du sud de la France. Il surprend par sa fraîcheur et son équilibre impeccable avec son sucre résiduel de 5 gr/l. Un rosé qui a suffisamment de corps pour être pris en mangeant. Un favori de la clientèle selon Stéphane.

Le troisième as est le BRUT ROSÉ, un mousseux très agréable, tout en délicatesse et en retenue malgré une robe bien affirmée. Le nez est discret au départ, mais il s’ouvre lentement sur des notes de fruit rouge évoquant la framboise. La bouche est à l’avenant, finement fruitée, d’une grande fraîcheur et franchise. Un vin qui gagne à ne pas être servi trop froid, entre 8 et 10 degrés Celsius, pour pouvoir l’apprécier à sa juste valeur.

Enfin, un quatrième as, plus modeste, au gabarit de danseur de ballet, l’ATOUT ROUGE. Robe rouge clair, nez discret évoquant la fraise. Matière fruitée légère, mais fort agréable. Le prototype du vin gouleyant qui réjouit l’âme sans alourdit le corps. Comme dirait l’autre : Party !

[1] Définition du grand dictionnaire terminologique