Le Domaine du Ridge

Un texte de Pierre Pelland

Paru dans le numéro

Publié le : 26 septembre 2018

Dernière mise à jour : 1 novembre 2020

 

Par Pierre Pelland et Noël Masseau En 1996, Denis Paradis, avocat nouvellement élu député fédéral, décide de créer son vignoble. Un voisin de sa ferme à Saint-Armand, qui cultive des raisins, lui suggère d’acheter ses vignes. L’aventure était commencée… Aidé de copains passionnés, il plante 2000 pieds de Seyval Blanc. Les amis participent aux vendanges…

Par Pierre Pelland et Noël Masseau

Domaine du Ridge

Le Domaine du Ridge

En 1996, Denis Paradis, avocat nouvellement élu député fédéral, décide de créer son vignoble. Un voisin de sa ferme à Saint-Armand, qui cultive des raisins, lui suggère d’acheter ses vignes. L’aventure était commencée…

Aidé de copains passionnés, il plante 2000 pieds de Seyval Blanc. Les amis participent aux vendanges des premières années, le tout se terminant par une grande fête!

Mais Dénis ne se repose pas sur ses lauriers. 22 ans plus tard, le vignoble possède 135 000 pieds de vigne. Certains sont en production, alors que d’autres sont à différents stades de vieillissement.

La gestion du volet agricole a évolué au fil des années avec une attention marquée pour le drainage. De plus, le buttage (opération qui consiste à ramener une butte de terre au pied des vignes) fut progressivement remplacé par une toile déposée sur les pieds de vigne, méthode beaucoup plus efficace pour protéger les vignes des variations extrêmes de température.

À l’instar de beaucoup d’autres producteurs agricoles, la gestion du vignoble pendant la saison estivale repose en grande partie sur les épaules d’employés locaux et d’autres venant principalement du Guatemala. Notre interlocutrice ne tarit pas d’éloges sur leur professionnalisme. Ce sont, dit-elle, des employés exemplaires qui font maintenant presque partie de la famille.

Domaine du Ridge

Foulage du raisin au Domaine du Ridge (photo fournie)

À l’automne débute la phase vinicole avec les vendanges et la transformation des raisins. Le vignoble perpétue la tradition ancestrale de foulage aux pieds dans un fouloir qui peut contenir de 35 à 45 personnes à la fois. Selon la tradition, seulement les femmes sont autorisées à piétiner le raisin, le rôle de leurs conjoints étant limité à leur laver les pieds avant et après l’opération. À la mi-juillet, 145 demandes étaient déjà enregistrées pour y participer.

La popularité du domaine ne se dément pas ; l’an passé plusieurs milliers de clients se sont déplacés pour goûter aux différents produits. Le domaine est aussi impliqué dans le mouvement « Locaboire » qui fait la promotion de la production locale des vins, de la bière et des aliments et dont le but est d’amener les gens à consommer de façon régulière ces produits locaux.

Élément capital dans toute entreprise, la relève est déjà assurée. En effet, la fille de Denis, Marie-Florence, gère le vignoble de façon compétente et accueille les visiteurs avec un enthousiasme communicatif. Elle nous confie que son plus grand défi, comme pour beaucoup de collègues vignerons, est de faire en sorte que ses vins deviennent des incontournables pour les consommateurs.

Par ailleurs, des décisions importantes devront être prises sous peu. Étant donné la quantité croissante de vigne plantée, le vignoble fera face à des changements et agrandissements majeurs. En gestionnaire accomplie, elle ne semble pas être effrayée par ce changement important. Nous lui souhaitons la meilleure des chances dans la poursuite de cette belle aventure familiale.

Domaine du Ridge

La boutique du Domaine du Ridge (photo fournie)

Dégustation

Notre visite au Domaine du Ridge nous a permis de constater l’importance et la variété de la production de la maison, soit une dizaine de vins déclinés en blancs secs et fortifiés, rosés tranquille et mousseux, rouges secs et fortifiés et vendanges tardives.

Les deux premiers vins dégustés, Le Fouloir 2016 et Le Vent d’ouest 2016 sont en quelque sorte des jumeaux non identiques. Issus du même cépage, le Seyval blanc, et du même millésime, ils se distinguent par leur mode de pressage. Le Fouloir, produit en quantité assez limitée, constitue une originalité de la maison. Il tient son nom des raisins foulés au pied par les femmes, une méthode de travail traditionnelle devenue folklorique. À la dégustation, le premier est plus ample et plus austère en général, plus marqué par les arômes et les saveurs d’agrumes (pamplemousse blanc) tandis que le second est plus charmeur, fruité, frais, net. Un bon candidat pour l’apéro tandis que le premier convient davantage au repas.

Ces deux blancs ont été suivis par deux rosés millésimés 2017, impossible à prendre pour des jumeaux même s’ils sont issus du même cépage, le Seyval noir. Le premier, le Champs de Florence, est le navire amiral du vignoble, le rosé le plus vendu au Québec. À lui seul, il constitue une grande partie des ventes du domaine. C’est un rosé tout en finesse et légèreté : robe pâle, nez également subtil de fruit rouge évoquant la framboise, bouche délicate, très fraîche au fruité discret, mais savoureux. Un rosé parfaitement sec, presque vaporeux. Le second, surnommé Berthelot-Paradis en l’honneur de l’œnologue de la maison et du proprio, aussi sec que délicat, est un mousseux, caractère qui se révèle davantage en bouche qu’à l’œil. Celle-ci est bien affirmée, à dominante de griotte mûre. Encore ici, un vin franchement sec, digeste, aussi intéressant seul qu’en accompagnement.

Question de goût bien sûr, le vin suivant, un blanc baptisé Le Stanbridge, nous a particulièrement plu. Issu du cépage Vidal, judicieusement marqué par le bois, il présente une robe dorée pâle plus soutenue que celle des blancs précédents, un nez bien affirmé de fruits bien mûrs assorti d’effluves vanillés, sans lourdeur. La bouche est parfaitement fidèle au nez, ronde, vivace, d’une certaine persistance. Une belle réussite.

Les deux vins rouges suivants, majoritairement ou entièrement issus du cépage Maréchal Foch, pourraient être qualifiés de gouleyants, faciles à boire. C’est particulièrement le cas pour le premier, Le Maréchal Foch qui frappe par sa légèreté et sa vivacité. Un vin plus simple que le suivant, Le Bâtonnier, pur monocépage, un peu discret au nez, mais très présent en bouche grâce à des saveurs de fruits rouges frais, des notes subtiles de torréfaction et une certaine longueur.

Le vin suivant aurait pu être le point d’orgue de la dégustation tellement il est magnifique. Contrairement aux vins précédents, il est d’un millésime plus ancien, soit 2013. Il s’agit d’un vin de vendanges tardives, fait de Vidal, le Bise d’automne. Comme son nom l’indique, il a subi les premières morsures éoliennes de notre automne puisque les raisins ont été cueillis après une première gelée. Sa jolie robe dorée annonce déjà la surprise qui attend l’amateur de vin liquoreux. Le nez explose de fruits très mûrs légèrement confits : abricot, mangue, pomme ; la bouche n’est pas en reste, très fidèle au nez, tout cela dans la fraîcheur absolue, la netteté des saveurs et la longueur assez surprenante. Un ravissement qui vaut son prix, 29,90 $ la demi-bouteille. Notez que ce vin n’est produit que lorsque les conditions le permettent.

Les deux derniers vins goûtés sont deux vins dits fortifiés, un blanc et un rouge. Le premier, le Saint Martin, est fait à la manière d’un Pineau des Charentes. Intéressant, mais en fin de production. Le second, le Fado, fait de maréchal Foch, rappelle les vins de Porto. Sympathique pourrait-on dire, agréable au nez, léger, mais charmeur en bouche, équilibre sucre-acidité impeccable. Un « porto » de Saint-Armand, il fallait y penser !