Le Domaine Girouard
Un texte de Marc Chapleau
Paru dans le numéro Été/Summer 2022
Publié le : 31 mai 2022
Dernière mise à jour : 31 mai 2022
Nul doute que le vignoble Domaine Girouard figurera parmi les incontournables de la très populaire Route des vins de Brome-Missisquoi.
Ses rangs de vignes bien alignés attirent le regard quand on arrive à Sutton par le nord. Au loin, la vue se dégage jusqu’aux montagnes du Vermont. Mais le Domaine Girouard, qui a ouvert ses portes au public en septembre 2021, est connu aussi pour une autre raison : le fils du propriétaire, Yoan, a eu au printemps dernier un grave accident de skateboard dont on a beaucoup parlé. Ébranlée, la famille avait alors pu compter sur la générosité de collègues vignerons pour tailler les jeunes plants et sauver le vignoble.
« Nous avons choisi le terrain de 130 acres à l’angle du chemin Mudgett et de la route 139 en raison de la proximité avec le cœur du village », explique Martin Girouard, 54 ans, qui travaille encore à temps partiel comme consultant en ressources humaines. « Comme notre fils aîné, Édouard, souffre d’une légère déficience intellectuelle et qu’il ne pourra jamais avoir de permis de conduire, notre domaine et notre maison tout près sur le chemin Woodard lui permettent d’aller et venir sans être motorisé. »
Un objectif ambitieux
En 2025, estime le vigneron-propriétaire, les 14 000 vignes actuelles donneront autour de 30 000 bouteilles. S’il y a dans le lot des cépages typiques de climat nordique, comme le marquette et le frontenac noir, le Domaine Girouard compte en revanche une forte proportion (70 pour cent) de viniferas, à savoir des cépages comme le chardonnay, le pinot gris et le cabernet franc.
Comment un type qui était jusqu’en 2019 vice-président aux ressources humaines chez Saputo se retrouve-t-il vigneron à Sutton ? « Pouvoir donner la chance à Édouard de travailler aura été un gros incitatif. Il nous aide beaucoup au domaine, et nous collaborons d’ailleurs avec l’organisme Pleins Rayons de Cowansville, qui facilite l’inclusion sociale de jeunes comme lui.
« Mais il y a aussi mes origines. Mon père vient de la région de Naples, en Campanie. À la maison, quand j’étais jeune, il faisait son propre vin avec des raisins de Californie. Cette ascendance italienne a fait en sorte que mon cépage fétiche, c’est le nebbiolo, qui donne dans le Piémont les barolos et barbarescos. »
Martin Girouard a planté une cinquantaine de plants de nebbiolo sur le sol suttonnais. « On a bon espoir que ça réussira, c’est bien parti en tout cas. Par contre, ajoute-t-il dans la foulée, le sangiovese n’a pas fonctionné. »
Allié de la première heure
L’épisode de l’accident de son fils de 16 ans — aujourd’hui parfaitement rétabli — l’aura montré ; les vignerons s’entraident volontiers en cas de coup dur. Mais Martin Girouard a pu compter sur un allié bien avant le funeste événement. Richard Bresee, du vignoble éponyme, n’est ainsi pas du tout un concurrent, loin de là. « Sans Richard, sans les heures qu’il a consacrées chaque semaine à entretenir nos vignes tandis que je travaillais encore à plein temps, ç’aurait été impossible de continuer », confie le principal intéressé.
Pour constater combien le pari de Martin Girouard et son équipe commence déjà à porter ses fruits, on profitera du fait que le domaine rouvre ses portes au public pour la saison 2022 à compter du mois de mai. Si les vins offerts à la vente sont dans l’ensemble très honnêtes, on se réjouit de constater que toutes les bouteilles viennent avec une capsule dévissable, garantissant ainsi la fraîcheur du contenu et éliminant d’office tout éventuel goût de bouchon.
Tout compte fait, étant donné le sérieux de l’entreprise et des moyens investis, nul doute que le vignoble Domaine Girouard figurera bientôt parmi les incontournables de la très populaire Route des vins de Brome-Missisquoi.
Marc Chapleau