On ferme la paroisse

Un texte de Renée Larouche

Paru dans le numéro

Publié le : 11 août 2022

Dernière mise à jour : 11 août 2022

 

Voici deux histoires en lien avec la fermeture de la paroisse St-Simon d’Abercorn qui a terminé sa mission de lieu de culte le 22 novembre 2020, après 79 ans d’accueil de ses fidèles.

La paroisse St-Simon d’Abercorn a terminé sa mission de lieu de culte le 22 novembre 2020, après 79 ans d’accueil de ses fidèles, pour tout genre de célébration ou rassemblement.

À cette occasion, une messe de désacralisation est dite par l’évêque du diocèse, ici Mgr Christian Rodembourg. À la fin de la célébration, les officiants quittent les lieux avec vases et objets sacrés, signifiant que l’église ne peut plus servir aux services religieux. Les deux anecdotes racontées ici se passent dans ce contexte de fermeture.

paroisse
Simone, 22 novembre 2022

Simone et les cloches

Comme le veut la tradition, une volée de cloches de l’église annonce la tenue d’un office religieux, une quinzaine de minutes à l’avance. Tous les dimanches, pendant les dix dernières années, Simone Brière-Cusson a assumé cette responsabilité à la paroisse St-Simon. Les rares exceptions ont été assurées par le non moins fiable bedeau, Charles Schinck.

Discrète et ponctuelle, personne ne sonne comme Simone ; les cloches lui obéissent au doigt et à l’élan sur la corde ! Il arrive que, distraite par une conversation, on doive lui faire penser d’arrêter…

Le 26 février 2020, Simone fait une mauvaise chute. Dieu merci, la pandémie vient à notre secours : deux dimanches plus tard, on interdit les rassemblements. Heureux dénouement : canne à l’appui, Simone se rétablit juste à temps pour le dimanche de la désacralisation et peut faire résonner les dernières cloches !

Merci Simone pour ces fidèles envolées au large du village ! D’ailleurs, qui le réveille depuis, le dimanche à 8h45 ?

Élisée*, cadeau de fermeture…

Novembre 2020. Une semaine avant la fermeture de l’église St-Simon d’Abercorn, Hélène convoque quelques vaillantes bénévoles (Rita, Jacqueline et Renée) pour « descendre le jubé ». Elle entend par là vider les armoires contenant quantité d’objets hétéroclites, conservés depuis les 79 dernières années. Il s’agit aussi de descendre les statues qui n’ont pas trouvé preneur lors de la première exposition, et les placer bien en vue dans la nef. Tout ça en empruntant l’escalier abrupt. Une grande prudence est de mise.

L’opération va bon train (donner, recycler, jeter, etc.), agrémentée de souvenirs et d’éclats de rire ! Une grosse boîte de livres nous fait hésiter. Je dis : « Ça prendrait un homme… » Dans la minute qui suit, la porte s’ouvre sur Élisée, un jeune homme, hagard ; il demande un endroit pour coucher ce soir. On lui conseille de s’informer à l’hôtel-de-ville. Constatant le remue-ménage ambiant, il offre de nous aider et dépose ses sacs. Non seulement il s’est occupé de la lourde boîte, mais il a été totalement disponible et d’une remarquable gentillesse toute la journée !

Qui est-il ?

Étudiant à Montréal, Élisée s’est fait flouer. Quelqu’un lui avait parlé d’un emploi possible à Abercorn, emploi qu’il n’obtient pas. On imagine son désarroi !

Témoins de sa générosité malgré ses déboires personnels, des cœurs tissent une véritable solidarité autour de lui : une telle partage sa collation ; une telle apporte un sandwich ; quelqu’un lui donne 20 $ ; deux autres prêtent sac de couchage et couverture pour qu’il dorme à l’église. On communique avec un maraîcher du coin pour offrir sa main-d’œuvre, mais sans résultat.

Le lendemain, Élisée a quitté l’église, en ordre. Une sixième personne s’est occupé de lui et de son retour vers Montréal. On ne l’a pas revu. Un ange a passé au bon moment. 

Renée Larouche 

* Élisée, vient de l’hébreu El Yasha, que l’on peut traduire par « Dieu a aidé ».