L’hélichryse italienne
Un texte de Annie Rouleau
Paru dans le numéro Hiver/Winter 2023-2024
Publié le : 8 novembre 2023
Dernière mise à jour : 10 novembre 2023
Ça pique, ça brûle, ça suinte, ça veut devenir bleu, ça ne veut pas cicatriser comme il faut ; on peut penser à l’hélichryse italienne.
Je fais dans l’exotique pour ce texte, ce qui n’est pas dans mes habitudes, préférant les plantes qui poussent près de nous à celles issues d’habitats lointains. Mais celle-ci est trop merveilleuse pour snober l’import-export. L’hélichryse italienne, Helichrysum italicum, est une immortelle originaire des pourtours de la méditerranée et plus spécifiquement des pays bordant la mer Tyrrhénienne, soit la côte ouest de l’Italie, la Corse et la Sardaigne. Elle pousse en petits bosquets, ses feuilles sont fines, d’une couleur vert-gris argenté et ses fleurs d’un magnifique jaune éclatant. Il existe de nombreuses espèces et sous-espèces d’hélichryse et les terroirs où elles poussent modifient leur composition chimique, mais concentrons-nous sur Helichrysum italicum.
La première fois que j’ai vu l’hélichryse à l’œuvre, nous l’avions appliqué sur l’épaule d’une collègue, fraîchement brulée par une tasse échappée. L’effet fut pratiquement immédiat. D’habitude, j’aurais appliqué une huile essentielle de lavande, parce qu’elle est spécifique aux brûlures, mais ! L’hélichryse est encore plus indiquée ! Brûlures et plaies, mais aussi psoriasis, rosacée ou couperose, hématome, varicosités. Elle freine l’éclatement des petits vaisseaux sanguins et agit sur l’inflammation de la peau. Donc, ça pique, ça brûle, ça suinte, ça veut devenir bleu, ça ne veut pas cicatriser comme il faut ; on peut penser à l’hélichryse.
On doit les premières recherches sur la plante à un médecin italien, qui, vers 1930, fut tuyauté par un muletier clamant avoir, grâce à l’hélichryse, soigné sa bête aux prises avec une toux inquiétante. L’histoire ne parle ni de posologie ni du type de préparation utilisée par le villageois. Elle incita néanmoins le médecin à pousser plus loin. Il entreprit donc d’expérimenter et de documenter à fond ses recherches, publiées dans une revue médicale spécialisée italienne.
Ses conclusions furent que la plante renferme un composé qu’il a comparé à la cortisone, encore rare à l’époque. Et que la décoction qu’il a administrée à des centaines de patients durant les années 50 était particulièrement aidante pour ceux souffrant de troubles respiratoires, infectieux et chroniques. Son nom, Leonardo Santini. Ses recherches l’ont aussi mené à conclure de l’efficacité de l’hélichryse pour les troubles cutanés mentionnés précédemment. Ce sont donc les principales indications de l’hélichryse.
Maintenant, la partie exotique de la plante, où se trouve notre difficulté de monde habitant l’Amérique du Nord. Les gens du bassin méditerranéen peuvent, s’ils respectent les restrictions, aller marcher dans le maquis et récolter ce dont ils ont besoin de fleurs et de feuilles. Ici, c’est une autre histoire. Il est possible de trouver la plante séchée sur le net, mais il faut bien choisir ses sources. Je dirais que si vous avez la chance d’avoir une serre, elle poussera bien dans un sol très aéré ou une rocaille. Tant que son parfum est puissant, vous devriez avoir une belle matière médicinale.
Autrement, et c’est personnellement mon option québécoise, on peut utiliser l’huile essentielle et l’hydrolat ou l’eau florale d’hélichryse. Nous avons ici la chance d’être à proximité de Zayat Aroma à Bromont qui offre des produits de grande qualité. Il y a toujours un « mais » quand il est question d’utiliser une huile essentielle. C’est puissant et certaines personnes réagissent mal aux applications cutanées. Il est ainsi plus sage de la diluer dans un solvant neutre, soit une huile ou une macération dans l’alcool, aka teinture.
Si vous choisissez une huile, celle d’olive ou de tournesol fera l’affaire. Vous pouvez aussi opter pour une huile macérée d’une plante spécifique au système que vous devez aider. Pour la peau, une huile macérée de calendule ou de millepertuis est indiquée. Pour le système respiratoire, optez pour le sapin, le thym, le pin. Par contre, la dilution dans l’huile ne devrait pas être utilisée sur les plaies suintantes et les brûlures. Il est préférable de ne pas mettre d’huile sur le feu. Pour ce genre de situations, je vous propose une recette de base, pouvant être peaufinée au gré de ce que contient votre dispensaire personnel.
Vous aurez besoin d’un hydrolat d’hélichryse, de son huile essentielle et d’une teinture de plante. Pour les gros bobos, la première à envisager sera le plantain, Plantago major ou lanceolata. La seconde, la prunelle, Prunella vulgaris. Une autre, incontournable pour les infections, l’usnée, Usnea barbata. La plupart des commerces de produits naturels vendent ces teintures. Il convient d’utiliser une part de teinture pour une part d’hydrolat et de 2 à 6 gouttes d’huile essentielle. Par exemple, si vous n’utilisez qu’une teinture de plantain, vous mesurerez, disons 50 millilitres de teinture et 50 millilitres d’hydrolat. Si vous avez accès à deux teintures, vous irez pour 25 ml de chaque.
Il est important de mélanger à fond l’huile essentielle dans la teinture avant d’ajouter l’hydrolat, l’huile essentielle n’étant pas soluble dans l’eau. Gardez le mélange dans une bouteille opaque, de préférence, ou un pot Masson, bien identifié pour éviter toute confusion. Appliquer sur la blessure avec un linge propre au moins trois fois par jour jusqu’à ce que la plaie guérisse ou soit en voie de l’être.
Trois précautions : les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes allergiques aux astéracées et celles qui prennent des médicaments anticoagulants devraient s’abstenir de prendre de l’hélichryse. Autrement, c’est sans danger, ça sent bon et ça fait des miracles !
Bon hiver !
Annie Rouleau, herboriste praticienne
annieaire@gmail.com
Références :
Medicinal plants of the World, par Ben-Erik Van Wyk et Michael Wink, edition Timber Press