L’hydraste, plante d’exception
Un texte de Annie Rouleau
Paru dans le numéro Hiver/Winter 2018
Publié le : 24 novembre 2018
Dernière mise à jour : 31 octobre 2020
En fin d’été dernier, des gens fantastiques m’ont sommairement initié à la permaculture1. Je me suis demandé pour quelle raison je n’avais pas porté attention à cet art bien avant, tant je trouve le raisonnement logique. Nous visitions alors une forêt avec comme objectif de planifier la restauration de l’écosystème et lui rendre son état…
En fin d’été dernier, des gens fantastiques m’ont sommairement initié à la permaculture1. Je me suis demandé pour quelle raison je n’avais pas porté attention à cet art bien avant, tant je trouve le raisonnement logique. Nous visitions alors une forêt avec comme objectif de planifier la restauration de l’écosystème et lui rendre son état de majesté naturelle. La simplicité des explications de mes hôtes m’a tellement réjoui, je regarde aujourd’hui la forêt d’un œil complètement nouveau et ce n’est pas peu dire pour une herboriste ! L’interrelation des plantes, arbustes, arbres, animaux et humains est tellement magnifique et intelligente, c’est troublant. Mais il est encore plus bouleversant de voir à quel point ces connaissances sont aussi peu connues et appliquées.
Tout ça pour dire qu’il est tout à fait possible, avec un peu d’aide, de redonner à des espaces forestiers blessés leur luxuriance et y laisser se réinstaller des plantes précieuses, disparues à la suite de la destruction de leur habitat naturel ou à cause des mauvaises habitudes de récolte qui ont décimé et déciment encore les colonies. Je pense bien sûr au ginseng à cinq feuilles ou à l’hydraste du Canada. Ces plantes ont besoin de paix et de boisés riches et abondamment ombragés, donc peuplés de grands feuillus variés. De plus, elles sont sauvages, elles ont donc besoin de lieux tranquilles. Elles n’aiment pas particulièrement la présence humaine et ses dangers.
Les premières nations d’Amérique du Nord utilisaient l’hydraste bien avant l’arrivée des colons européens. Ces derniers ne l’ont découvert qu’au 19e siècle, une fois la barrière appalachienne traversée. L’hydraste fut d’abord connue pour ses qualités toniques du système digestif et des muqueuses en général. Les anciens la préféraient en petites doses (de 1 à 5 gouttes 3 fois par jour) et l’utilisaient pour la plupart des troubles digestifs, des lésions buccales aux ulcères gastriques, pour l’engorgement du foie et de la vésicule biliaire, la constipation, la dysenterie et l’entérite. Toutes ces propriétés sont encore aujourd’hui reconnues, à quelques nuances près.
La découverte de la berbérine, considérée comme le constituant actif principal de l’hydraste, a quelque peu modifié la philosophie quant à l’usage de la plante. La berbérine est un alcaloïde présent dans plusieurs plantes issues de différentes familles botaniques, comme les Coptis sinensis et groenlandica, le Berberis vulgaris ou le Mahonia aquifolium. La berbérine est puissamment antimicrobienne, mais ce n’est pas sa seule qualité. La molécule intéresse les scientifiques par ses effets hypoglycémiants ; active sur le diabète de type 2, sur plusieurs troubles cardiovasculaires ; elle serait antiarythmique et vasodilatatrice, sur certains types de cancer du sein ; elle serait antitumorale. Je ne m’éterniserai pas sur ces sujets ici, mais s’ils vous intéressent, plusieurs textes sont disponibles sur le NET, entre autres sur le PubMed2 du NCBI (National Center for Biotechnology Information) et sur Passeport Santé3. Je signale que les recherches sont toujours faites avec des extraits moléculaires comme la berbérine et non avec la plante entière. Bien entendu, les pourcentages d’alcaloïde contenus dans une teinture d’hydraste faite à partir de plante fraîche ou séchée ne sont pas comparables, je dirai simplement que ce sont des produits faits de plante entière qui sont utilisés depuis la nuit des temps avec les effets que nous leur connaissons encore. Je demeure une amoureuse des plantes en tant qu’êtres vivants et favorise donc l’usage de produits d’herboristerie traditionnelle qui sont la macération dans l’alcool ou la teinture, la décoction et l’infusion, avec lesquelles ont peut faire des compresses, des gargarismes, des douches, des crèmes, etc.
De la plante sont utilisées les racines. Vous aurez compris que l’hydraste du Canada fait partie des espèces menacées d’extinction, il est donc impossible de la récolter sauvage et impératif de s’assurer que ce que vous achetez provient d’une culture.
L’hydraste est aujourd’hui utilisée, en herboristerie traditionnelle et en homéopathie, pour traiter tous les troubles de muqueuses. Elle tonifie, diminue l’inflammation, élimine le mucus et l’infection dans la bouche, le nez et les sinus, la gorge, les bronches, le conduit digestif tout du long, la vessie, le vagin et la peau. On la prend en interne et on l’applique en externe sur les lésions, les ulcères, les coupures et tous les bobos imaginables, mais attention, ça tache ! Comme mentionné précédemment, l’hydraste est formidablement antimicrobienne. Elle agit sur une multitude d’agents pathogènes comme les staphylocoques et autres bactéries, les mycètes ou champignons et toute la gamme d’unicellulaires causant du trouble à l’organisme humain. Elle permet de soigner la plupart des infections affectant les muqueuses susmentionnées.
Il est préférable de combiner l’hydraste à d’autres plantes spécifiques à l’indisposition à traiter, comme le sureau pour les troubles ORL, la camomille ou le plantain pour les désordres digestifs. De nombreuses préparations contenant de l’hydraste sont disponibles sur le marché. Renseignez-vous ou consultez votre herboriste !
Annie Rouleau, herboriste praticienne
annieaire@gmail.com
1 https://www.aquaportail.com/definition-253-permaculture.html
2 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=berberine
3 https://www.passeportsante.net/fr/Solutions/PlantesSupplements/Fiche.aspx?doc=hydraste_ps