Isabelle Chartrand : l’ombre et la lumière

Un texte de Olivia Enns

Paru dans le numéro

Publié le : 28 novembre 2018

Dernière mise à jour : 3 novembre 2020

 

Au fusain, la dessinatrice Isabelle Chartrand nous présente un univers monochromatique dans lequel des personnages, parfois humains, parfois animaux, nous transmettent des messages particulièrement marquants sur la vie. L’artiste traite rarement ses sujets à la légère : au contraire, ceux-ci nous confrontent à la réalité toute crue. Sans compromis et sans excuse, dans son atelier de…

Isabelle Chartrand

Mémoire floue d’Isabelle Chartrand©

Au fusain, la dessinatrice Isabelle Chartrand nous présente un univers monochromatique dans lequel des personnages, parfois humains, parfois animaux, nous transmettent des messages particulièrement marquants sur la vie.

L’artiste traite rarement ses sujets à la légère : au contraire, ceux-ci nous confrontent à la réalité toute crue. Sans compromis et sans excuse, dans son atelier de Dunham, Isabelle puise à même sa vision artistique pour dévoiler le monde d’un œil critique, réfléchi et sobre.

Or, Isabelle n’aime pas utiliser le titre d’artiste au sens propre. « Pour moi, un artiste, un vrai, va brasser la cage, changer les conventions, faire réfléchir et choquer à l’occasion », explique-t-elle. « Je dirais que je suis dessinatrice au même titre qu’un artisan. »

Isabelle Chartrand

Humeur noire d’Isabelle Chartrand©

Pour Isabelle, les dessins sont des exercices qui représentent la solitude, la douleur, la vieillesse, l’isolement et la mort. Ainsi, dans l’œuvre Humeur noire, on voit comment la lumière cherche en vain à illuminer un visage masculin morne, abattu et empreint de tristesse. Mémoire floue, portrait du père d’Isabelle qui était atteint de la maladie d’Alzheimer, s’inscrit dans la même veine et met à nu la vulnérabilité de l’identité humaine. « À ce moment-là, je côtoyais beaucoup de personnes qui avaient perdu la mémoire », explique Isabelle. « Je me posais la question : qu’est-ce qui définit un être humain lorsqu’on n’a plus de références ? »

Isabelle Chartrand

Est-Ouest d’Isabelle Chartrand©

Le dessin Est-Ouest nous situe dans un contexte politique et illustre les difficultés qu’éprouvent les enfants en général quand les adultes se disputent un territoire. « Je cherchais à me concentrer sur la question fort inconstante du territoire », commente Isabelle. Est-Ouest nous présente un garçon, accroupi, visiblement pauvre, qui mange une sucette. Les barbelés à l’arrière-plan sont souvent interprétés comme étant des ailes d’ange suggérant que le sujet est au-dessus de tous ces problèmes.

Force est de constater que l’injustice et l’inégalité sont des thèmes qui interpellent souvent la peintre. Il y a quelques années, on a proposé à Isabelle de participer à une campagne de financement visant à aider l’organisation Amnistie internationale à venir en aide aux femmes autochtones. « L’injustice en général, mais en particulier envers les enfants, est un sujet qui me concerne », reconnaît Isabelle.

Isabelle Chartrand

Rêverie #2 d’Isabelle Chartrand©

Mais attention, le travail d’Isabelle englobe aussi d’autres sujets. Ainsi, des thèmes reliés à l’espoir, à la jeunesse et au printemps sont subtilement mis de l’avant dans des dessins tels que Rêverie 1 et Rêverie 2. Ces derniers se démarquent par la lumière qui se dégage et qu’Isabelle utilise pour faire vivre ses sujets. Il est clair qu’Isabelle aime se pencher sur plusieurs sujets différents. « C’est vrai, je pourrais dessiner des cuillères à soupe, si on me le demandait », dit-elle en riant. « Je suis très entêtée. Je m’acharne souvent à maîtriser un sujet. Ce n’est pas facile… je m’applique pendant des heures et des heures à mon travail et parfois, c’est cause perdue. »

Isabelle Chartrand

Rêverie #1 d’Isabelle Chartrand©

Dans le milieu universitaire, Isabelle s’est retrouvée entourée d’artistes qui voulaient apprendre et aborder plusieurs sujets. « Je viens d’un milieu où la culture n’était pas très présente et à l’adolescence, j’ai été en contact avec des gens qui baignaient dans la culture et cela a été une illumination », affirme Isabelle. « La musique, la peinture, la sculpture venait mettre de la beauté et de la joie dans notre quotidien, du mouvement dans nos pensées. C’est pour cela que je suis allée étudier en art. » Au fils des ans, Isabelle en est venue à conclure que « [c]’est l’art qui rend la condition humaine un peu plus supportable. »