Musique classique au Musée Bruck

Un texte de Monique Picard

Paru dans le numéro

Publié le : 21 septembre 2017

Dernière mise à jour : 2 novembre 2020

 

Pour une quatrième saison, le Musée Bruck de Cowansville ouvrira les portes de son salon aux amateurs de musique classique. Quatre concerts seront donnés dans cet espace intime où les mélomanes pourront à nouveau profiter de la proximité des musiciens et des expositions d’arts visuels du moment. On y entendra tour à tour : un…

musique classique

Pour une quatrième saison, le Musée Bruck de Cowansville ouvrira les portes de son salon aux amateurs de musique classique. Quatre concerts seront donnés dans cet espace intime où les mélomanes pourront à nouveau profiter de la proximité des musiciens et des expositions d’arts visuels du moment. On y entendra tour à tour : un duo de violoncelles composé de Noémie Raymond-Friset et de Vincent Bergeron; l’ensemble Flûte alors ! et ses quatre flûtistes à bec; la soprano Catherine Elvira-Chartier accompagnée à la guitare par Pier Carlo Liva; enfin, Marina Thibeault, une altiste récemment nommée Révélation de Radio-Canada. Tous les concerts ont lieu le dimanche matin à 11 h. À compter de 10 h 30, du café et des viennoiseries sont offerts gratuitement dans une salle adjacente au salon.

Financée en grande partie par la municipalité, cette série intitulée Musique au salon, bénéficie du soutien du Service de la culture, du tourisme et du patrimoine, et de la collaboration de l’organisme Sur la scène Davignon. Le coût d’entrée est donc minime, et à partir de maintenant, les billets peuvent être achetés sur le site de cet organisme. Peut-on d’ores et déjà conclure que cette série est une réussite ? Quelques explications permettront de nuancer la réponse.

En 2014, dans le cadre d’un plan destiné à revaloriser la vocation culturelle du Musée Bruck, on m’a proposé de m’occuper de la programmation de cette nouvelle série parce que j’avais organisé dans mon propre salon de Sutton Junction, des concerts de musique classique durant quatre ans. Au cours de cette période, j’ai eu le privilège d’accueillir des jeunes musiciens de grand talent parmi lesquels plusieurs sont aujourd’hui connus et réclamés. Thierry Bégin-Lamontagne, Vincent Lauzer, Valérie Milot et Stéphan Tétreault sont de ceux-là. J’acceptai donc de poursuivre mon activité bénévole dans un contexte où les conditions me semblaient davantage favorables à la promotion de la musique classique dans la région:

– Un salon de 50 places plutôt que 25, mais tout aussi intime et favorable à l’échange entre les musiciens et le public;

– Un lieu officiellement dédié à la culture et aux arts;

– Un financement permettant de faire appel à un plus grand nombre de musiciens tout en leur assurant un cachet décent, et de proposer au public des concerts de qualité à coût modique;

– Un support à l’organisation et à la publicité;

– Une occasion privilégiée de continuer à faire connaître et à encourager les musiciens talentueux de la relève.

Seule ombre au tableau, l’absence de piano. J’ouvre une parenthèse pour mentionner que je ne connais, dans la région, aucune salle dotée d’un piano de concert digne de ce nom et qui soit accessible. Qu’à cela ne tienne, je décidai de relever le défi de sorte qu’au cours des trois premières saisons, des formations aussi diversifiées que flûte traversière et harpe, flûte à bec et clavecin, voix accompagnée à la guitare ou à l’archiluth, guitare ou violon solo, et quelques-unes accompagnées au piano électrique, furent programmées.  Et la réponse des mélomanes a été fort encourageante: la série a fait salle comble à plusieurs reprises et, en moyenne, 80% des billets se sont écoulés.

À court terme, on peut donc conclure que l’expérience est une réussite, mais rien n’est assuré à long terme. Au-delà de la volonté politique des élus locaux et des efforts des organisateurs, combien de temps encore le public de la musique classique sera-t-il au rendez-vous?  Il vieillit et ne se renouvelle pas nécessairement. J’ai pu constater un tel déclin dans le cadre des concerts organisés pendant près de quarante ans à l’ancienne église de West Brome par madame Constance V. Pathy (grands mercis !). Quand je suis arrivée dans la région, il y a une vingtaine d’années, il fallait arriver une demi-heure à l’avance pour avoir une place. Durant les dernières années, le public se rendait au concert du dimanche matin, mais il délaissait de plus en plus celui du samedi soir. À un âge avancé, on s’aventure moins sur la route en soirée, on prend moins de risques. Un certain samedi soir, nous n’étions que quatre auditeurs… Les musiciens étaient de haut niveau, mais la route était un peu glacée.

Comme ce ne sont pas les musiciens talentueux qui manquent au Québec, le plus grand défi à relever pour assurer la survivance de la musique classique consiste désormais à stimuler l’émergence de nouveaux publics, les jeunes en particulier, que ce soit à l’école ou dans des lieux qui favorisent la rencontre avec les musiciens et leurs instruments. Dans cette perspective, et pour une deuxième année consécutive, un cinquième concert a été ajouté à la série Musique au salon. Il aura lieu à la salle Pauline-Martel de la bibliothèque municipale et il fera entendre aux jeunes et aux moins jeunes un duo explosif: TNT–Trompette «N» Tuba.

Toutefois, pour atteindre de nouveaux publics, la diffusion médiatique est tout aussi essentielle. Or il faut bien reconnaître qu’à cet égard, la musique classique fait trop souvent figure de parent pauvre. Pascale Bédard, sociologue des arts et de la culture et professeure adjointe à l’Université Laval, souligne que l’industrie culturelle commerciale du Québec sous-estime les attentes du public en misant principalement sur des produits culturels faciles d’accès et divertissants. Si elle mettait une partie de ses immenses moyens de médiatisation et de diffusion au service de formes d’art plus riches et complexes, qui sait quelle serait la réponse du public. Qui relèvera ce défi ?