Le statut de paysage humanisé
Un texte de Anthoni Barbe
Paru dans le numéro Hiver/Winter 2024-25
Publié le : 13 novembre 2024
Dernière mise à jour : 13 novembre 2024
Un paysage humanisé est un paysage dont les composantes naturelles ont été façonnées par des activités humaines en harmonie avec la nature.
À force d’habiter dans notre belle région, on oublie parfois à quel point les paysages qu’on y retrouve sont exceptionnels à bien des égards. Il existe ici un équilibre unique entre les montagnes recouvertes de vastes forêts, les pâturages ouvrant le paysage et les villages patrimoniaux.
La mise en valeur du paysage est trop souvent une affaire sectorielle. L’histoire, la biodiversité, l’architecture, la géographie : voilà autant de disciplines qui nous parlent de notre région et auxquelles s’intéressent différents organismes ou institutions. D’un œil extérieur, il est parfois difficile de cerner comment tous ces éléments définissent distinctement la région des villages au pied des Montagnes Vertes.
Pourtant, il y a maintenant des moyens de reconnaître le caractère exceptionnel d’un paysage. L’UNESCO permet d’effectuer un travail de reconnaissance du patrimoine culturel et naturel à l’échelle mondiale, mais il existe aussi des moyens d’obtenir une désignation à l’échelle nationale. Un statut en particulier semble tout désigné pour la région : celui de paysage humanisé.
Un paysage humanisé
Un paysage humanisé est « un territoire habité dont le paysage et les composantes naturelles ont été façonnés, au fil du temps, par des activités humaines en harmonie avec la nature1 ». Il permet donc de valoriser l’équilibre existant entre l’humain et la nature sur un territoire donné. Concrètement, cela aurait plusieurs avantages pour la région. Un statut de paysage humanisé permettrait notamment de valoriser le terroir local (élevage, activités équestres, viticulture, culture maraîchère, foires agricoles, etc.) ; protéger et célébrer le patrimoine bâti historique ; conserver les milieux naturels et en bonifier l’accès ; consolider les pratiques durables de foresterie ; renforcer l’identité régionale et le sentiment d’appartenance ; augmenter la cohésion de l’offre touristique régionale ; améliorer les infrastructures d’interprétation du paysage ; protéger la région de vastes projets potentiels (mines, éoliennes, etc.).
Un travail perpétuel encore nécessaire
Aujourd’hui, il peut sembler acquis que les montagnes et les écosystèmes qu’elles recèlent sont une richesse inestimable pour la région. Cette reconnaissance est en fait le fruit d’un long travail mené par plusieurs organismes de conservation. Le travail se poursuit toujours d’ailleurs. Mais une question se pose : pourquoi seulement protéger le patrimoine naturel ?
Une chose est sûre, les Montagnes Vertes créent des paysages uniques et ça, c’est aussi grâce aux gens qui habitent le territoire. Le caractère historique des villages de Sutton, Frelighsburg, Abercorn et Knowlton les rend exceptionnels. Le Chemin des Cantons, c’est bien, mais il serait peut-être temps de valoriser le riche patrimoine régional avec des outils modernes. Cela permettrait de contribuer régionalement à l’atteinte des cibles nationales de 30 % de protection du territoire.
La désignation de paysage humanisé en est encore à ses tout débuts. Elle est spécialement faite pour les territoires avec peu ou pas de terres publiques, exactement comme ici. Actuellement, la région de l’Île-Bizard a obtenu une reconnaissance et la région de St-Mathieu-du-Parc y travaille. Les villages au pied des montagnes de Brome-Missisquoi (et Memphrémagog ?) seraient vraisemblablement de bons candidats.
Comme l’action politique vient généralement de l’opinion populaire, il est plutôt normal qu’il y ait encore peu de paysages humanisés au Québec puisque c’est une désignation encore méconnue. Vu comment les gens de la région sont engagés dans leur communauté, engagés pour la nature, pour leur patrimoine, pour la vitalité de leurs villages, on pourrait croire que c’est une idée qui mérite d’être discutée.
Anthoni Barbe, géographe consultant en aménagement du territoire