PRÉ : prairie riveraine écologique
Un texte de Geneviève Hébert
Paru dans le numéro Hiver/Winter 2022-2023
Publié le : 14 novembre 2022
Dernière mise à jour : 14 novembre 2022
Ce projet-citoyen de mise en conservation appuyé par Conservation de la nature Canada se nomme PRÉ pour prairie riveraine écologique.
La rivière aux Brochets est bien visible lorsqu’on traverse le village de Frelighsburg. Depuis plus de deux décennies, Julie Bellefroid et Maude-Hélène Desroches remarquent que des cultures sont pratiquées dans des champs bordant la rivière et que chaque année, ceux-ci sont inondés par la rivière aux Brochets. Une inquiétude s’éveille en elles puisque la terre érodée, les engrais et les pesticides se déversent par la même occasion dans la rivière, qui, à son tour, abreuve les citoyens, les plantes, les animaux et plus loin, le lac Champlain.
En 2008, Julie Bellefroid, chargée de projets en environnement pour le Dura-Club, dans le cadre de son ancien emploi doit faire l’inventaire faunique en bordure de la rivière aux Brochets. C’est à ce moment qu’elle constate l’ampleur du problème. À hauteur des inondations, le lit de la rivière, autrefois aussi tortueux qu’en aval et en amont, a été redressé pour en faire une ligne droite dans les années 50. Voilà pourquoi la rivière n’arrive pas à contenir ses eaux en période de crues. Le terrain, un milieu humide et une plaine inondable naturelle, n’est pas adapté à des pratiques agricoles intensives.
Initiative citoyenne
L’an dernier, Julie Bellefroid, Maude-Hélène Desroches et Jean-Martin Fortier de l’Institut jardinier-maraîcher ont décidé de cogner à la porte des propriétaires du terrain pour leur expliquer leur vision des choses et offrir de racheter le terrain afin de le renaturaliser. « Il y a trop de pertes de biodiversité sur la planète en ce moment, le nerf de la guerre c’est de protéger les milieux sensibles », explique Maude-Hélène. Ces derniers n’étaient pas indifférents à la cause, mais le prix demandé pour le terrain dépassait les moyens conjoints des trois citoyens.
Appui de Conservation de la nature Canada
Entre-temps, les trois acolytes ont pris contact avec Conservation de la nature Canada (CNC) puisque la présence de la tortue des bois (une espèce menacée au Canada) et d’un milieu humide donnait une valeur écologique au terrain. Après de nombreux échanges avec les trois citoyens et le Dura-Club, CNC a décidé de faire l’acquisition du terrain de 79 acres.
Le projet de mise en conservation se nomme désormais PRÉ, un acronyme pour prairie riveraine écologique. Le comité PRÉ, composé des deux initiatrices du projet, ainsi que de Denise Bélanger de Vitalité Frelighsburg et Isabelle Grégoire de la Fiducie du mont Pinacle, a déjà commencé à rencontrer les citoyens afin de les sensibiliser aux enjeux reliés aux bandes riveraines et aux bassins versants de la région.
Une vocation agricole à conserver
Comme la préservation des terres agricoles est un créneau que CNC veut conserver, en collaborant avec les agriculteurs, le comité PRÉ réfléchira aux pratiques agricoles idéales pour ce genre de terrain. Cet automne, il lançait déjà le volet éducatif du projet en organisant une plantation d’arbres en bande riveraine avec les élèves de l’école de Frelighsburg. Aussi, divers objectifs ont été fixés :
- Renaturaliser le cours de la rivière qui avait été redressé dans les années 50 afin qu’elle reprenne ses méandres, ce qui aiderait notamment à recharger la nappe phréatique et à ralentir le courant ;
- Permettre au lieu de se réensauvager ;
- Contrôler les plantes exotiques envahissantes ;
- Planter une « forêt du futur » qui aiderait à créer une banque de semences d’arbres mieux adaptés aux changements climatiques ;
- Favoriser la biodiversité et les espèces en danger en entretenant notamment les prairies pour les oiseaux champêtres comme le goglu des prés ;
- Impliquer les citoyens dans le projet et développer un volet éducatif.
Le comité PRÉ aimerait que leur initiative incite d’autres citoyens à rester à l’affût de ce qui se passe dans leur environnement et à prendre action pour valoriser les milieux humides. Il existe notamment des incitatifs fiscaux pour des projets de mise en conservation comme celui-ci. Pour les connaître, ou pour plus de renseignements sur le projet, visitez www.natureconservancy.ca/fr.
Geneviève Hébert