Le cranson de Bretagne

Un texte de Annie Rouleau

Paru dans le numéro

Publié le : 25 juin 2020

Dernière mise à jour : 31 octobre 2020

 

Ancien nom de cette plante fort utile en ces temps de Covid-19, le cranson de Bretagne est aujourd’hui connu sous le nom de raifort, Armoracia rusticana pour les intimes. Le raifort est originaire d’Europe de l’Est, du Moyen-Orient et de la Sibérie. On le retrouve maintenant à l’état sauvage un peu partout en Europe et…

raifort

Pousses de raifort. Crédit photo Annie Rouleau

Ancien nom de cette plante fort utile en ces temps de Covid-19, le cranson de Bretagne est aujourd’hui connu sous le nom de raifort, Armoracia rusticana pour les intimes. Le raifort est originaire d’Europe de l’Est, du Moyen-Orient et de la Sibérie. On le retrouve maintenant à l’état sauvage un peu partout en Europe et au Canada, au Québec notamment. Il pousse dans les fossés et sur les bords de ruisseaux. En bordure des chemins et même près de la mer. Il se cultive très facilement dans des sols frais et humides, riches et légèrement sablonneux. On récolte la racine des plants de 2e année, mais attention ! Chaque petit bout de racine oublié en terre produira de nouveaux plants, rendant l’envahissement rapide et difficile à contrôler. La minutie s’impose donc lors de la cueillette.

Le raifort est, en gros, stimulant, réchauffant et décongestionnant. Ses qualités médicinales sont tout indiquées en cas de congestion et d’inflammation broncho-pulmonaire. Il liquéfie le mucus, mais n’assèche pas les muqueuses, permettant ainsi l’élimination de l’obstruction respiratoire et la guérison des fragiles parois des poumons et des bronches. Ajoutez à cela une propriété antiseptique et vous obtenez un remède de luxe pour les rhinites et sinusites, les bronchites, pneumonies et autres toux froides et humides bien engorgées de gros mucus épais et stagnant.

Son goût extraordinairement piquant en dit long sur ses usages. Une bouchée un peu trop généreuse de raifort vous montera au nez à la vitesse de l’éclair, vous laissant pleurant et reniflant, mais fin prêt à répéter l’expérience dare-dare, et ce, jusqu’à la toute dernière bouchée de votre délicieuse bavette à l’échalote. Le raifort stimule l’estomac et les sécrétions digestives, il est apéritif et favorise une bonne digestion. Il stimule l’appétit lorsque celui-ci vient à manquer, dynamise la digestion si celle-ci semble paresser et nettoie au passage tout le conduit s’il est encombré de gaz, de fermentation ou de parasites.

Ces qualités s’appliquent aussi au niveau de la circulation sanguine. C’est d’ailleurs un classique du soin des engelures et de l’hypothermie. Une simple tisane de raifort aidera, mais on peut la combiner à des cataplasmes appliqués sur les parties affectées par le froid ou sur les pieds pour augmenter la circulation en général et favoriser le réchauffement global. Le terme utilisé pour définir cette propriété médicinale est rubéfiant, c’est-à-dire que l’application topique de la plante cause une rougeur de la peau provoquée par un apport de sang augmenté, donc une oxygénation accrue agissant localement sur l’inflammation et la congestion. Ce qui le rend tout indiqué dans le soin de l’arthrite et des rhumatismes. Sa forte teneur en constituants sulfurés contribue à expliquer ceci ; le soufre est essentiel à la santé du cartilage.

L’autre système de prédilection du raifort est celui des reins. En stimulant la circulation du sang dans les organes, il optimise leur métabolisme. Le résultat au niveau des reins est que la production d’urine est augmentée et l’élimination des déchets s’en trouve, du coup, facilitée. De plus, comme le raifort est antiseptique, il devient fort utile en cas de troubles rénaux comme la cystite et les calculs urinaires.

À toutes ces magnifiques qualités s’ajoutent quelques contre-indications qu’il est impératif de considérer pour qui souhaite l’utiliser en interne. Le raifort étant extrêmement réchauffant, il est important de ne pas l’utiliser lorsque l’organisme est déjà en excès de chaleur. C’est généralement le cas en présence de maladies inflammatoires soit digestives ou rénales. Les estomacs fragiles risquent de ne pas aimer le raifort non plus. On le déconseille aux femmes enceintes et pour les personnes aux prises avec de l’hypothyroïdie, car, comme les autres brassicacées, le raifort peut ralentir les fonctions thyroïdiennes. Autrement, c’est de la bombe !

Si vous avez la chance de trouver des racines fraîches, vous pouvez les trancher très fines. Puis, les faire sécher adéquatement, au four tout bas ou dans un déshydrateur ou à plat sur un moustiquaire dans un endroit sec, sombre et bien aéré. L’infusion est de mise même s’il s’agit d’une racine, à cause de la forte teneur en huiles essentielles volatiles du raifort. Donc infusion à couvert durant une dizaine de minutes. Il se combine bien au gingembre, à l’ail et à de nombreuses autres plantes spécifiques au système à soigner. Le raifort étant très, très riche en minéraux et vitamines, le vinaigre est un solvant de choix pour l’extraction de ses principes actifs. L’alcool aussi. Celui-ci ira chercher d’autres constituants importants du raifort. C’est une question de choix.

On recommande de ne prendre que de petites doses de raifort. Consulter votre herboriste si vous souhaitez en faire usage pour des troubles spécifiques ou délicats.

En usage externe, la racine fraîche peut être râpée ou tranchée fine puis appliquée en cataplasme sur la cage thoracique pour la congestion respiratoire, sur les articulations douloureuses ou sur les reins. Appliquer quinze minutes au maximum, recommencer ponctuellement. La racine séchée infusée sert pour les bains de pieds ou le bain complet, encore là quinze minutes, pas plus.

N’oublions pas que le raifort est avant tout un aliment ! Râpée cru en salade ou ajoutée à une mayonnaise. Ou encore broyée puis vinaigrée pour la conservation, la racine de raifort est ultra piquante, mais délicieuse !

Un produit local d’une grande qualité à base de vinaigre de cidre, ail, oignon, raifort, gingembre et cayenne, ça vous dit ? Le vinaigre du dragon de Sauvages et cultivées sur la rue Pine ou sur internet est un incontournable !

Bon raifort et courage pour la suite de cet étrange bouleversement planétaire !

Annie Rouleau

Herboriste praticienne

annieaire@gmail.com