Tiques 101
Un texte de Daniel Laguitton
Paru dans le numéro Printemps/Spring 2024
Publié le : 27 février 2024
Dernière mise à jour : 4 juin 2024
Une piqûre de tique, un acarien souvent porteur de plusieurs bactéries, virus et parasites, peut communiquer des maladies parfois graves.
Le réchauffement climatique modifie, on le sait, les aires de répartition de la faune et de la flore. Des hivers plus doux dans le sud du Québec font en sorte, par exemple, qu’on y observe aujourd’hui d’importants groupes de dindons sauvages, spectacle pratiquement inconnu il y a une vingtaine d’années. La tique à pattes noires, plus discrète, mais plus problématique, profite de divers transporteurs à sang chaud — dindons, cerfs de Virginie, oiseaux migrateurs, rongeurs — pour traverser elle aussi la frontière en passager clandestin. Sa présence ne serait pas si grave en soi si la tique n’était elle-même porteuse de plusieurs bactéries, virus et parasites pouvant communiquer des maladies parfois graves.
Maladies transmises par les tiques
Les tiques sont des acariens qui parasitent la quasi-totalité des vertébrés, incluant l’homme, en se nourrissant de leur sang. Après les moustiques, elles constituent le deuxième organisme vivant capable de transmettre des maladies infectieuses. On parle alors de maladies à transmission vectorielle. Les micro-organismes portés par les tiques portent des noms savants : la bactérie Borrelia burgdorferi peut provoquer la maladie de Lyme, la bactérie Anaplasma phagocytophilum peut provoquer l’anaplasmose,le microparasite Babesia microti peut provoquer la babésiose, proche du paludisme, la bactérie Borrelia miyamotoi, en forme de tire-bouchon, peut provoquer la fièvre récurrente ou une méningo-encéphalite, et le virus de Powassan peut provoquer des encéphalites.
La présence des tiques en Estrie
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a mis à jour en juin 2023 une liste des municipalités à risque d’acquisition de la maladie de Lyme. Toutes les municipalités de la grande région de Sutton (Sutton, Abercorn, Bedford, Frelighsburg, Bromont, etc.) y sont classées « endémiques », la plupart avec un niveau de risque « significatif ».
Quelques chiffres pour illustrer l’incidence de la propagation des tiques en Estrie : en 2014, 28 cas de maladie de Lyme y étaient recensés, 137 en 2017, et 451 en 2021. Dans le cas de l’anaplasmose, maladie qui attaque les plaquettes du sang, le foie et la fonction rénale, 25 cas ont été confirmés en Estrie en 2021, dont 16 à Bromont. Ces chiffres sont certainement inférieurs à la réalité, car le corps médical n’est qu’au début de sa courbe d’apprentissage face à ces nouvelles maladies à déclaration obligatoire. Il n’est pas rare que des patients atteints passent d’abord par une errance médicale à la recherche d’un professionnel de la santé capable de diagnostiquer et de traiter adéquatement la maladie de Lyme et, surtout, ses co-infections.
Diagnostic et traitement
La documentation en ligne émise par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, Santé Canada et divers autres organismes au sujet des maladies transmises par les tiques s’étoffe d’année en année et laisse espérer une amélioration rapide de la prévention, du diagnostic et du traitement de ces maladies parfois débilitantes. En effet, si les infections dues aux bactéries Borrelia burgdorferi et Anaplasma phagocytophilum sont assez facilement éliminées par un simple traitement antibiotique, les autres maladies transmises par la tique ne répondent pas à ce traitement et ne sont souvent identifiées que trop tard, quand elles ont pris des proportions chroniques graves.
Périodes d’activité des tiques
Les tiques sont actives à tout moment de l’année lorsque les températures sont au-dessus du point de congélation, mais surtout au printemps et en automne. Elles préfèrent les endroits frais et humides comme les sous-bois, les feuilles mortes et les hautes herbes. Elles traversent trois stades de développement : larve, nymphe et adulte. La larve et la nymphe sont si petites qu’elles passent facilement inaperçues. Les animaux de compagnie qui transitent entre l’extérieur et la maison, comme les chiens et les chats, sont de véritables aimants à tiques et créent un important risque de piqûre par une tique à l’intérieur des maisons. Il est essentiel de les examiner quotidiennement et de les passer au peigne fin.
Prévention
La meilleure prévention contre les tiques est de ne pas exposer la peau nue au contact de végétaux : chaussures fermées, pantalons longs glissés dans les chaussettes ou les bottes, chandail glissé dans le pantalon, manches longues et chapeau. Les tissus de couleur claire facilitent le repérage des tiques qui s’y seraient accrochées. L’inspection complète du corps après une activité ayant présenté un risque est une mesure hygiénique cruciale dans les régions endémiques. Un passage à la sécheuse (sans lavage) des vêtements potentiellement contaminés suffit pour tuer les tiques.
Les produits répulsifs recommandés contre les tiques sont les chasse-moustiques à base de DEET (max 10 %) ou d’icaridine (max 20 %), l’huile essentielle d’eucalyptus citronné, l’huile essentielle de camphre et quelques autres. L’utilisation de perméthrine sous forme de liquide ou d’aérosol, reste interdite au Canada, ce produit est extrêmement toxique pour plusieurs animaux, en particulier les chats, et pour l’environnement. Il est essentiel de bien s’informer sur l’efficacité, le mode et la fréquence d’application des produits utilisés.
En cas de piqûre
En cas de piqûre par une tique à pattes noires, pas de panique : il faut un contact de plusieurs heures pour un risque d’infection. Le risque global de contracter la maladie de Lyme est estimé entre 1 et 3 % dans les zones à haut risque où 12 à 50 % des tiques sont infectées. Enlever délicatement, mais rapidement la tique avec une pince à épiler fine ou un arrache tique, en saisissant la tique le plus près possible de la peau. Ne jamais exercer de pression sur l’abdomen de la tique implantée pour ne pas en expulser des fluides potentiellement infectés. Soigneusement désinfecter le site de la piqûre avec de l’huile essentielle de Melaleuca alternifolia (tea tree) ou tout autre désinfectant.
Si la tique est restée implantée pendant plus de 12 heures et que le site de la piqûre montre des signes d’infection (un kyste d’environ 1 pouce de diamètre et/ou une couleur violacée de la taille d’une pièce de 10 cents), deux mesures sont possibles : 1. dans les régions endémiques, les pharmaciens sont autorisés à prescrire une prophylaxie postexposition consistant en un traitement antibiotique de 48 heures suivi d’une surveillance de potentiels symptômes durant les semaines qui suivent ; 2. consulter directement un médecin.
Daniel Laguitton
Abercorn