Sur la toxicité du sureau

Un texte de Annie Rouleau

Paru dans le numéro

Publié le : 18 août 2018

Dernière mise à jour : 1 novembre 2020

 

Il arrive que vous commentiez mes textes, ce que j’apprécie grandement. Mon dernier article a suscité une observation de la part d’un d’entre vous, ce qui m’a inspiré les mots qui suivent. Cet écrit parlait du sureau et du magnifique verger de Vitalité Sureau à Lac-Brome. J’y présentais un survol des propriétés médicinales de cette…

Il arrive que vous commentiez mes textes, ce que j’apprécie grandement. Mon dernier article a suscité une observation de la part d’un d’entre vous, ce qui m’a inspiré les mots qui suivent. Cet écrit parlait du sureau et du magnifique verger de Vitalité Sureau à Lac-Brome. J’y présentais un survol des propriétés médicinales de cette plante chérie. Dans son commentaire, le lecteur relevait le potentiel toxique des baies immatures et des jeunes pousses de sureau. J’aimerais donc répondre et clarifier. Permettez-moi !

Sureau

Baies de sureau

Le sureau d’ici, le Sambucus canadensis très semblable au Sambucus nigra européen, n’est pas toxique à proprement parler. Certaines de ses composantes biochimiques peuvent toutefois provoquer des réactions « indésirables ».

Les feuilles fraîches provoquent, chez certaines personnes, une irritation cutanée lorsqu’appliquées résolument sur la peau. Les toucher ne représente pas un danger en soi. L’écorce et les racines de la plante, lorsqu’ingérées, sont laxatives, voire purgatives. Ce qui peut présenter un problème pour l’un, mais aider l’autre à solutionner un trouble de congestion du transit intestinal. En règle générale, ce qui peut sembler être une toxicité potentielle n’est en fait qu’un effet médicinal puissant que l’on peut minimalement connaitre et respecter pour éviter les problèmes.

Petite note historique ; les branches creuses du sureau étaient jadis utilisées pour fabriquer des flutes, des attiseurs à feu, des flèches, des claquettes musicales et cérémoniales et j’en passe. Les fleurs sont inoffensives, sauf pour certaines personnes, lorsque prises en infusion fébrifuge. La tisane de fleurs de sureau est très efficace pour faire baisser la fièvre, mais elle a tendance à faire monter un peu la température du corps avant de la faire redescendre. Une façon simple d’éviter ce vain inconfort au fiévreux sous vos bons soins sera d’intégrer une même quantité d’achillée millefeuille à l’infusion de sureau. Cette dernière ajoutera ses propres qualités et complètera très bien le sureau.

J’irai maintenant au plus « épeurant » : la plante contient globalement de faibles quantités de glycosides cyanogènes1, dont la sambunigrine. Cette dernière est poison, mais seulement suite à la consommation de grosses doses concentrées, absorbées de façon soutenue. Les quantités contenues dans le sureau sont négligeables et en outre bien métabolisées par le corps.

C’est dans les graines de sureau que l’on note les plus hauts taux de glycosides cyanogènes. Notez que la cuisson brise leur structure biochimique, les rendant ainsi inoffensifs. Les fruits sont généralement pressés en un jus extraordinairement médicinal, ou cuits, passés et proposés en gelée par exemple, ce qui limite la consommation des graines. Cela dit, on peut manger les fruits de sureau frais à condition de ne pas exagérer.

Le sureau rouge, Sambucus pubens ou racemosa, est plus dangereux, car ses baies sont réellement toxiques. Dans la nature, le rouge est d’ailleurs souvent synonyme de danger. Pas toujours par contre, mais disons que si la peau et la chair du fruit sont rouges, il risque fort d’être fauteur de trouble. Il convient de faire preuve de prudence avant de manger des fruits sauvages, on le sait toutes et tous. Les plantes nous donnent parfois des indices quant à leur palatabilité. Si ça goûte mauvais et que c’est désagréable en bouche, c’est potentiellement hasardeux, voire dangereux.

Dans le monde végétal, les composantes biochimiques les plus intenses et possiblement toxiques sont, en général, couplées de molécules atténuant leur surpuissance, rendant ainsi possible l’usage de la plante fraîche et entière. Comme pour les traits de caractères, par exemple, d’une personne prédisposée à mener le groupe, si ses qualités d’écoute et d’empathie sont défaillantes, elle risque fort d’agir en tyran plutôt qu’en leader positif.

Bon automne

Annie Rouleau

Herboriste praticienne

annieaire@gmail.com

1 Petites bases de lecture sur les glycosides cyanogènes : sciencedirect.com/topics/biochemistry-genetics-and-molecular-biology/cyanogenic-glycosides

compoundchem.com/2016/05/31/elderflower-elderberry/