La gélifraction
Un texte de Anthoni Barbe
Paru dans le numéro Printemps/Spring 2021
Publié le : 4 mars 2021
Dernière mise à jour : 3 mars 2021
(ou comment les températures douces en hiver favorisent les nids-de-poule) On a souvent l’impression que nos paysages naturels ont quelque chose d’immuable. C’est comme s’ils avaient toujours été tels que nous les voyons et que leur morphologie était statique. Cela n’est pourtant qu’une illusion. Il existe des processus naturels puissants qui contribuent à façonner nos…
(ou comment les températures douces en hiver favorisent les nids-de-poule)
On a souvent l’impression que nos paysages naturels ont quelque chose d’immuable. C’est comme s’ils avaient toujours été tels que nous les voyons et que leur morphologie était statique. Cela n’est pourtant qu’une illusion. Il existe des processus naturels puissants qui contribuent à façonner nos paysages au fil du temps, et la région de Brome-Missisquoi ne fait pas exception.
On appelle géomorphologie l’étude des différentes composantes d’un paysage naturel et des processus qui les façonnent. Cet article a pour but de s’intéresser à un de ces processus structurant nos paysages : les cycles gel-dégel.
Les cycles gel-dégel : une force rendue possible par l’eau
L’eau est à la base de bien des processus géomorphologiques. C’est aussi elle qui explique l’importance des cycles de gel et de dégel dans la modification des paysages. L’eau a la capacité de s’infiltrer presque partout, notamment dans les aspérités et fissures des roches. Lorsque l’eau gèle, son volume augmente d’environ 9 % et cela induit une pression qui mène ultimement à la fraction de la roche. Ce phénomène s’appelle la gélifraction.
Le nombre de cycles gel-dégel est très important, car plus il y en a, plus la gélifraction sera efficace. En effet, le dégel de la glace libère l’espace qu’elle occupait, espace qui sera comblé avec un peu plus d’eau qu’avant le premier gel (en raison de l’expansion que la glace a prise), ce qui veut dire qu’il y aura plus d’eau dans cet espace lors du prochain gel et donc, que le volume de glace sera plus important à chaque cycle.
La manifestation la plus évidente de ce processus est certainement la formation des nids-de-poule dans la chaussée (phénomène aggravé par la circulation routière). De manière plus générale, en fragilisant la roche, la gélifraction favorise l’érosion et peut même engendrer des écroulements rocheux là où le dénivelé le permet.
Des changements climatiques favorables aux cycles gel-dégel
Avec les changements climatiques actuels, le Québec devrait connaître une augmentation des cycles gel-dégel, Brome-Missisquoi n’y échappant pas non plus. En effet, les modèles climatiques prévoient une augmentation des évènements extrêmes, ce qui augmente la probabilité de températures au-dessus de zéro en hiver (ce qui était autrefois plus exceptionnel) et la probabilité de gels plus tardifs au printemps. Les régions montagneuses seront d’autant plus concernées, car leur élévation augmente les risques de gel.
Bien qu’elle soit courante au Québec, la gélifraction est aussi un processus puissant auquel peu de choses résistent à long terme. Les propriétés de l’eau et son omniprésence dans notre environnement lui permettent d’altérer la roche. Et de modifier, une fissure à la fois, la morphologie de nos paysages comme de nos routes.