Moment de grâce avec Hélène Lessard
Un texte de Andrée Pelletier
Paru dans le numéro Été/Summer 2021
Publié le : 9 juin 2021
Dernière mise à jour : 15 juin 2021
Entrer dans l’univers d’Hélène Lessard c’est entrer dans un monde complexe, coloré, lumineux comme son studio d’ailleurs, que de grandes fenêtres éclairent. Une musique atmosphérique crée une atmosphère de recueillement.
L’artiste à la une
La vie est belle. C’est ce que je me disais en revenant de ma rencontre avec Hélène Lessard. Quand je me suis rendue à son atelier, la journée était magnifique. Un ciel bleu cérule, des champs verts, de ce petit vert si éphémère du début du printemps. J’étais émerveillée par la beauté du paysage. Puis le GPS m’annonce que je suis rendue à destination. Je monte les escaliers qui mènent au studio sans trop savoir ce qui m’attend. Bien sûr, je connaissais son travail, mais de l’extérieur si je puis dire. Quelle découverte de le découvrir de l’intérieur !
Un moment de grâce
Entrer dans l’univers d’Hélène c’est entrer dans un monde complexe, coloré, lumineux comme son studio d’ailleurs, que de grandes fenêtres éclairent. Une musique atmosphérique crée une atmosphère de recueillement. Sur les murs des œuvres en cours de création, sur lesquels des couleurs, des traits s’entrecroisent, on y reconnaît des formes, on y voit des paysages. L’artiste qui travaille ici le fait manifestement avec ardeur, passion, ferveur.
Cette grande femme blonde m’accueille gentiment avec un peu de circonspection peut-être. Nous parlons de choses et d’autres, question de prendre la mesure l’une de l’autre. Elle m’offre une tisane, nous nous assoyons à une petite table ronde dont la surface a connu des heures de création. Je lui pose ma première question.
« Quand savez-vous qu’une œuvre est terminée ? » Et la conversation s’engage. En l’écoutant je me rends compte que la peinture a pour elle deux aspects, ce qui se passe sur la toile et ce qui se passe à l’intérieur d’elle. Elle commence toujours un tableau de façon spontanée, n’ayant pas de but précis. Un trait, puis un autre lui indiquent le chemin. La toile en cours de création lui fait vivre des émotions, parfois difficiles, mais la plupart du temps c’est joyeux. « À force de travailler avec la couleur je me suis rendu compte que j’avais une joie à exprimer, » me dit-elle. Une grande partie de son travail consiste à être attentive à ce qu’elle ressent, accueillant ce qui se trouve là, sans juger. C’est ce qu’elle appelle le dialogue entre elle et la toile. Quand ce dialogue est terminé, la toile l’est aussi.
La libération
Peindre pour elle est un travail de libération. Se libérer du juge qui vient constamment faire ses commentaires, se libérer de tout ce qui empêche de laisser libre cours à l’inspiration, à l’inhibition qui empêche l’émotion de se retrouver sur la toile. Car au bout du compte, ce qui compte, c’est d’aller toucher celui ou celle qui regarde la toile. Et quand elle a su traduire visuellement cette émotion, le spectateur la ressent aussi.
Je lui demande si elle éprouve de la solitude lors de ces longues journées de création. « Non. J’ai besoin de solitude » me répond-elle sans hésitation. Elle a vécu des moments où elle se retrouvait au septième ciel, « dans une communication qui se fait avec l’ailleurs, l’au-delà… Le tableau devient transformé, on dirait que ça vient pas de moi, d’en haut, d’ailleurs. Ça n’arrive pas souvent, mais quand ça arrive c’est extraordinaire, c’est un cadeau », ajoute-t-elle.
Une histoire me revient à l’esprit en l’écoutant. Celle des tribus maures d’Afrique du Nord qui, il y a bien des siècles, se réunissaient la nuit pour des danses et des musiques sacrées. Ils dansaient jusqu’à l’aube et quelques fois, très rarement, il arrivait qu’un danseur atteigne cette zone dont parle Hélène, et c’était comme si le danseur s’illuminait de l’intérieur, comme s’il touchait à quelque chose d’inexplicable, de parfait, de divin. Quand cela arrivait, les spectateurs chantaient Allah Allah Allah ! Le danseur devenait divin. Quand les Maures ont envahi le sud de l’Espagne ils ont transporté cette coutume, la prononciation s’est transformée et est devenue olé olé olé !
« Évidemment », me dit Hélène, « c’est qu’avec ce moment-là arrive aussi la crainte que ça ne se reproduise pas ». Olé à Hélène qui continue de créer malgré le doute. Aussi Olé pour la joie que procurent ses toiles. Olé pour la vie qui nous a donné cette rencontre.
Andrée Pelletier
Le studio d’Hélène Lessard fait partie du circuit du Boulevard des arts. Aussi, elle reprendra ses ateliers lorsque les mesures sanitaires le permettront.
Infos : www.helenelessard.com