Un été de tous les extrêmes

Un texte de Organisme du bassin versant de baie Missisquoi

Paru dans le numéro

Publié le : 9 novembre 2023

Dernière mise à jour : 10 novembre 2023

 

L’été 2023 nous montre que le fait de savoir que l’on vivra des événements extrêmes ne signifie pas que nous y sommes préparés.

Après avoir connu plusieurs années particulièrement sèches, voici que l’été 2023 a amené des précipitations extrêmes dans le sud du Québec. Plusieurs secteurs du bassin versant de la baie Missisquoi, dont Sutton fait partie, ont connu des inondations. Des événements de cette ampleur étaient du jamais vu en plein mois de juillet. 

De très peu d’eau à beaucoup trop d’eau

Le débit de la rivière Sutton n’est pas suivi par une station hydrométrique, mais la rivière aux Brochets, passant notamment à Frelighsburg et à Bedford, est surveillée. Après un printemps plutôt dans la moyenne en matière de débit, un nouveau creux historique a été constaté autour du 5 juin. Ceci témoigne du faible niveau des nappes phréatiques. En effet, lorsqu’il ne pleut pas, c’est le niveau des nappes phréatiques qui alimentent les cours d’eau et après plusieurs années de sécheresse, il n’est pas étonnant que leur niveau soit bas. 

Puis, dans la deuxième moitié de juin, la tendance s’est inversée complètement : d’importantes pluies se sont abattues sur la région. Des inondations dues à des crues éclair sont survenues partout dans le nord des Montagnes Vertes, particulièrement au Vermont, mais aussi à Sutton, Potton, Frelighsburg et Saint-Armand. Aussi, des records de hauts débits ont été battus notamment dans la rivière aux Brochets.

Des conséquences nombreuses

Les conséquences sont nombreuses. Les importantes quantités d’eau sont venues mettre en péril des récoltes. L’eau a lessivé et érodé sur son passage de grosses portions de sol sec (donc facilement érodable), amenant ainsi d’importantes quantités de sédiments dans la baie Missisquoi. Les fertilisants chargés en phosphore ont aussi fait le voyage jusque dans la baie. Ce faisant, ils ont directement favorisé l’apparition des cyanobactéries (algues bleues), empêchant la baignade à plusieurs moments pendant les journées chaudes de juillet. 

On peut espérer que ces pluies aient au moins donné un répit aux nappes phréatiques. C’est probable que celles-ci aient pu se recharger avec toute cette eau. Toutefois, on sait que lors de pluies intenses, le sol devient momentanément saturé d’eau et donc beaucoup de l’eau ne peut pas y percoler. Les importantes quantités d’eau qui n’ont pas pu s’infiltrer ont ruisselé directement dans les cours d’eau, érodant le sol et emportant du phosphore au passage. 

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Champ de maïs inondé en juillet à Saint-Armand. Le maïs est une des cultures qui retient le moins le sol et donc les terres fertilisées sont aisément emportées par les eaux. Photo : Anthoni Barbe

Situation prévisible, mais non anticipée

Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation annonçait déjà en 2020 que la région de l’Estrie connaîtrait une augmentation des précipitations en été. L’été 2023 n’est donc pas surprenant puisqu’il correspond à ce à quoi l’on doit s’attendre avec l’avènement des changements climatiques. Le phénomène El Niño pourrait aussi avoir contribué à la météo extrême de cet été. 

L’été 2023 nous montre que le fait de savoir que l’on vivra des événements extrêmes ne signifie pas que nous y sommes préparés. Il y a encore beaucoup de soya et de maïs sont cultivés dans la plaine inondable. Encore beaucoup trop de berges sont laissées dans un état fragile en l’absence d’un couvert végétal adéquat, composé d’arbres et d’arbustes. Encore beaucoup d’installations septiques non conformes s’écoulent discrètement vers les cours d’eau. Et encore beaucoup de ponts et ponceaux sont sous-dimensionnés pour faire face à l’augmentation des niveaux d’eau.

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La rivière de la Roche à Saint-Armand a inondé la route à deux reprises au courant du mois de juillet. Photo : Anthoni Barbe

Des efforts supplémentaires nécessaires 

Face à l’ampleur du défi, il importe que tous les partis concernés (administrations municipales, entreprises agricoles, citoyens, etc.) travaillent activement ensemble pour améliorer ce bilan. La municipalité de Sutton a fait un pas dans la bonne direction, notamment en interdisant les développements dans les zones de recharge des nappes phréatiques sur la montagne. 

Il ne fait toutefois aucun doute que d’autres décisions courageuses seront à prendre pour éviter que les épisodes extrêmes comme cet été n’engendrent des conséquences désastreuses environnementalement et économiquement. L’Organisme du bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM) est justement là pour accompagner les partis concernés vers une meilleure cohabitation avec notre réseau hydrique. Reste maintenant à mettre les efforts nécessaires pour s’adapter au mieux et le plus rapidement possible. 

Anthoni Barbe pour l’Organisme du bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM)