Vignoble de la Bauge

Un texte de Nadia Fournier

Paru dans le numéro

Publié le : 15 novembre 2022

Dernière mise à jour : 5 décembre 2022

 

Nadia Fournier nous en apprend plus sur La Bauge, vignoble québécois qui a amorcé un virage écologique il y a cinq ans.

Les vignerons québécois de seconde génération sont plutôt rares. Ceux qui cumulent plus d’une vingtaine d’années d’expérience sont rarissimes. À bien y penser, je n’en connais qu’un seul : Simon Naud, du Vignoble de la Bauge. 

Simon Naud, du Vignoble de la Bauge

Voilà maintenant une dizaine d’années que je vois évoluer le travail et les vins de Simon Naud. À chaque rencontre, surtout au début, j’étais frappée par le bouillonnement d’idées et de questions qui l’animait. Alors dans la jeune quarantaine, le vigneron avait peut-être déjà une vingtaine de vendanges à son actif, il était loin de se reposer sur ses lauriers. Au contraire, chaque millésime, avec ses largesses et ses écueils, semblait plutôt apporter de nouvelles pierres à l’édifice, déjà solide, hérité de ses parents, Ghislaine et Alcide.

L’évolution de la vaste propriété de l’avenue des Érables, située à un kilomètre du petit village de Brigham, a commencé par quelques changements de vocation. Ferme laitière, entre 1951 et 1984, elle hébergera ensuite jusqu’en 2002, sous l’impulsion de Robert Naud, le frère aîné de Simon, l’un des premiers élevages québécois de sangliers. Cette dernière aventure, vous l’aurez peut-être deviné, donnera son identité actuelle à la ferme.  

Mais la vigne, dites-vous, la vigne, elle arrive quand ? En 1986, soit quelques années après la vente du troupeau de vaches laitières. Alcide Naud, alors en quête de nouveaux défis, achète 6000 plants de vigne, qu’il plante sous les conseils d’Alain Brault. Le sommelier Alain Bélanger assurera les premières vinifications, alors que Simon, cadet de la famille, termine ses études en génie rural à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec à Saint-Hyacinthe ; il prendra officiellement le relais en 1996. 

Depuis, le vigneron autodidacte multiplie les essais, à la vigne et au chai, pour son compte et pour l’avancement du vignoble québécois, en général. C’est dans cet esprit de collégialité qu’il cofonde, en 1999, le Club de recherche et développement en viti-viniculture du Québec. Il dirigera pendant sept ans ce comité dont les recherches ont porté, entre autres, sur l’implantation de nouveaux cépages mieux adaptés au climat québécois, dont les frontenac noir, gris et blanc, qui représentent aujourd’hui l’essentiel de son vignoble d’une dizaine d’hectares. 

Un vignoble de plus en plus « vert » où il a amorcé un virage écologique il y a cinq ans, plantant d’abord de nouvelles parcelles conduites en bio depuis le début, avant d’appliquer la « formule » à l’ensemble de la propriété. Cette transition trouve aussi écho dans le processus de vinifications, lesquelles sont désormais conduites avec un minimum d’intrants et de manipulations, mais avec un souci manifeste de produire des vins nets, précis et forts en caractère. Pari réussi !  

Écosystème (parce qu’ensemble, on va plus loin)

La collaboration est au cœur de la toute dernière évolution de La Bauge et elle s’y décline sous de multiples formes. Mentionnons d’abord la collaboration avec Steve Beauséjour, consultant en vinifications naturelles, dont est née la gamme de vins Les Beaux Jus. Dans la foulée, Simon Naud a aussi invité Véronique Lemieux (Vignes en ville) et Steve Beauséjour à développer un petit vignoble expérimental au sein du domaine. La parcelle de La Bauge, plantée en juillet 2022, regroupe une poignée de cépages hybrides qui seront cultivés selon une approche « holistique », c’est-à-dire dans une démarche d’intégration globale du vignoble au sein de son écosystème, favorisant notamment une meilleure vie microbienne dans les sols, par l’ajout de « paillis maison » issu d’une forêt voisine. Curieux d’en goûter les fruits ? Nous aussi. Rendez-vous dans trois ans… 

Soif d’ici… 

Quelques vins à grappiller en épiceries fines et dans les bons restaurants de la région.

Évolution blanc
Évolution rouge

Évolution Rouge 

Fruit d’un assemblage de vins de trois millésimes (2018, 2019 et 2020) et de quatre cépages : frontenac noir, marquette, petite perle et vidal. Une partie des raisins rouges est éraflée, l’autre est macérée avec les grappes entières ; tandis qu’une petite proportion de vidal apporte du volume en milieu de bouche. Un rouge authentique et bien campé dans son terroir, souple et fruité en attaque, mais bien assez charnu et épicé pour accompagner un braisé d’hiver. Servir à 15-16 °C. [34 $].

Évolution Blanc 2021

À vue de nez, impossible de s’y tromper : la signature aromatique des frontenac blanc et gris est si forte qu’elle déborde du verre. Pêche, poire, fleurs blanches et épices douces se rencontrent dans une douche ample et assez vineuse, nourrie par la présence de vidal dans l’assemblage. Un vin blanc singulier à apprécier pour sa texture, et qu’on gagnera à servir plus frais que froid (12 °C), avec un risotto à la courge et au beurre de sauge. [32 $].