Le pin blanc, arbre patrimonial

Un texte de Annie Rouleau

Paru dans le numéro

Publié le : 14 novembre 2022

Dernière mise à jour : 14 novembre 2022

 

Le pin blanc est l’arbre le plus grand de l’Est du Canada, avec des hauteurs pouvant dépasser les 50 mètres de haut. C’est le grand-père de nos forêts.

Le pin blanc, Pinus strobus. Photo Annie Rouleau

Dans nos villages campagnards, il existe des arbres phares qui dessinent le paysage depuis des dizaines, voire des centaines d’années. Certains géants servaient jadis à repérer de loin des habitations ou des clairières accueillantes, des cours d’eau. Aujourd’hui, ils font partie de l’aménagement paysager de terrains privés. Mais ces arbres appartiennent au paysage, au patrimoine global des villages. De ce fait, les propriétaires des parcelles qui les abritent ont une responsabilité civique quant à leur préservation. 

Qui abat un phare prive toutes les espèces de sa contribution à la vie. Il bousille la vue, l’ombre, le refuge et la nourriture. Comprenez que je suis consciente de la nécessité de protéger nos infrastructures et nos habitations. Je souhaite simplement souligner l’importante différence entre préserver le patrimoine arboricole et satisfaire des caprices matériels humains. La résilience n’est pas une qualité réservée aux arbres, c’est une nécessité générale. Peut-être devrait-on définir l’aspect patrimonial des arbres et appliquer ce statut à certains spécimens de nos villages respectifs, question de leur offrir un avenir assuré et des soins appropriés.

Une essence se distingue par l’impressionnante stature de certains individus, c’est le pin blanc, Pinus strobus. Le pin blanc est l’arbre le plus grand de l’Est du Canada, avec des hauteurs pouvant dépasser les 50 mètres de haut. C’est le grand-père de nos forêts. Il y a à peine 400 ans, le pin blanc couvrait près de 40 % de la surface forestière du Québec. Aujourd’hui pratiquement décimé, principalement par la surexploitation, comme tant de trésors, le pin blanc a besoin de notre aide pour survivre et prospérer. Comme il a du mal à s’implanter là où les compétiteurs sont abondants et que ses graines ont besoin d’un lit de germination adéquat, le feu contrôlé est une des stratégies utiles. Les Premières Nations faisaient d’ailleurs usage de cette technique pour favoriser la pérennité des pinèdes. 

Le pin blanc est un arbre important pour les peuples autochtones, principalement ceux du sud du Québec et de l’Ontario. « C’est l’arbre de la paix. Il est devenu le symbole d’une autorité politique. Dans la perspective autochtone, l’autorité politique n’est pas personnelle, c’est quelque chose qui est collectif. C’est l’unité qui fait la force et elle est représentée par le grand arbre. »1 Pour plusieurs, en plus de cet aspect spirituel, le pin servait aussi pour le revêtement extérieur d’habitations et pour la fabrication de canots et d’objets domestiques. Les colons français et anglais, quant à eux, en ont fait un de leur principal bois d’œuvre, d’où la décimation.

Il fait partie de la pharmacopée autochtone depuis fort longtemps, principalement pour les troubles respiratoires, les problèmes de peau et certaines situations de troubles gastro-intestinaux et urinaires. Le pin blanc aide particulièrement en cas de bronchites chroniques et pour toutes les situations où un excès de mucus collant bloque les voies respiratoires. Donc les grosses toux grasses, mais aussi celles plus sèches et improductives, irritantes. Le pin blanc favorise l’expectoration ou calme l’irritation, selon le cas. Étant très antiseptique, il aidera à éliminer les infections respiratoires et urinaires.

Le pin blanc est aujourd’hui beaucoup utilisé sous forme d’huile essentielle extraite des aiguilles fraîches de l’arbre. Diluée dans une huile végétale et appliquée sur la gorge et sur toute la zone des bronches et des poumons, elle fait son travail soulageant pour les troubles respiratoires. Le pin blanc est aussi utilisé pour les problèmes de peau. Eczéma, plaies, dermatites et dermatoses, même d’origine parasitaire, le pin blanc aide à calmer et à guérir. En Europe, on utilise le pin sylvestre (Pinus sylvestris) pour les mêmes troubles.

Les autochtones et les herboristes allochtones utilisaient et utilisent toujours les aiguilles fraîches, écrasées ou mâchées puis appliquées sur la peau, ou encore préparées en décoction légère, donc coupées et mijotées dans l’eau pour soulager les systèmes respiratoire et urinaire. Une bonne poignée d’aiguilles fraîches pour trois tasses d’eau environ. Mijoter doucement jusqu’à ce que l’odeur du grand pin se répande allègrement dans la pièce. Filtrer puis boire au moins trois tasses par jour, après les repas. On peut aussi récolter et sécher les aiguilles, idéalement au printemps, lorsque toute l’énergie de l’arbre est dirigée vers les jeunes pousses. Ces bourgeons séchés pourront ainsi servir l’année durant. 

Notez que récolter et consommer les aiguilles fraîches de pin blanc peut aussi se faire durant l’hiver, si l’option de récolte printanière ne s’est pas présentée. L’autre choix pour pouvoir bénéficier des propriétés médicinales du pin blanc, c’est la macération dans l’alcool. Peu de producteurs de teintures de plantes médicinales en produisent, il est donc un peu difficile de s’en procurer. Les Herbes Orford en font, vous pouvez consulter leur site internet.

Bon hiver ! Et puisse le grand pin blanc, arbre magnifique et précieux, continuer à rendre admirables les panoramas de nos contrées, pour toujours.

Annie Rouleau, herboriste praticienne

annieaire@gmail.com

1. Citation de André Dudemaine, membre fondateur de l’organisme Terres en Vues et co-responsable de l’apport du symbole autochtone sur le drapeau de la ville de Montréal ; le pin blanc.

Références :

Usages autochtones des plantes médicinales du Québec, les arbres, par Isabelle Kun-Nipiu Falardeau, La Métisse, éditions La Métisse (2016)

The Energetics of Western Herbs, par Peter Holmes, Snow Lotus Press (1998)

Medicinal Plants of the World, par Ben-Erik Van Wyk et Michael Wink, Timber Press (2004)

Herbal Antibiotics, par Stephen Harrod Bunher, Storey Publishing (2012)