Paysages oubliés
Un texte de Anthoni Barbe
Paru dans le numéro Été/Summer 2024
Publié le : 3 juin 2024
Dernière mise à jour : 3 juin 2024
Au fil des siècles, les communautés locales ont forgées les paysages que nous admirons aujourd’hui et ce processus continue aujourd’hui pour le meilleur et pour le pire.
On l’oublie parfois, mais le paysage est une ressource centrale pour une communauté. C’est d’ailleurs précisément les communautés locales qui ont forgées au fil des siècles les paysages que nous admirons aujourd’hui et ce processus continue aujourd’hui… pour le meilleur et pour le pire.
Qu’est-ce que le paysage?
Le paysage, c’est tout ce qui compose une vue sur un territoire donné. C’est la montagne qui se dévoile, la forêt sur ses flancs, les fleurs en bordure de la route, la maison sur la colline, le champ, le chemin qui mène au village.
Il est la résultante de processus naturels, tels que la tectonique des plaques et les glaciations qui nous ont légués nos montagnes, mais le paysage résulte aussi de ce que l’humain en a fait. Le paysage est d’ailleurs un fort marqueur identitaire, mais il est aussi un attrait récréotouristique indéniable.
Paysage humanisé
La nature est omniprésente dans nos paysages, mais il n’en reste pas moins que la façon dont elle se présente à nous aujourd’hui est la résultante d’interventions humaines. La foresterie a, au fil des siècles, changé et rajeuni complètement nos forêts. Il n’existe presque plus de forêts d’arbres immenses pluricentenaires, ces arbres sont encore aujourd’hui bien souvent coupés.
L’agriculture est une autre activité humaine qui forge fortement les paysages. Elle est le propre des paysages bucoliques car elle ouvre les paysages, laissant apparaître les variations topographiques et permettant de voir au loin. En dégageant la forêt, l’agriculture a créé des espaces idéaux pour certaines espèces floristiques et fauniques.
Le paysage se ferme
Aujourd’hui, il existe toujours des forces à l’œuvre qui changent le paysage. Bien sûr, les forces naturelles sont toujours là : l’érosion des rivières, les incendies, les rafales, glissements de terrain, etc. Du côté des humains, les choses changent aussi. La déprise agricole dans les Cantons de l’Est a entrainé la perte de la moitié des surfaces dédiés à l’agriculture, la forêt reprenant ses droits.
Un autre processus menant à la fermeture des paysages est dû à la privatisation et à la recherche d’intimité de certains propriétaires. On ne compte plus les demeures qui se sont cachées derrières des rangées d’arbres serrés pour se couper de la route qui longe leur terrain et du même coup ont coupé le paysage à tous les gens y circulant.
Cela peut donner l’impression que les paysages sont voués à être la résultante des lois du marché et du hasard du bon vouloir des propriétaires, mais ce n’est pas le cas. Il existe des moyens de protéger et de valoriser les paysages locaux et régionaux, encore faut-il qu’il y ait une volonté collective.
Quels paysages à préserver et valoriser à Sutton?
À Sutton, il y a plusieurs paysages qui font parties de la vie quotidienne des gens d’ici et qu’il serait certainement dommage de perdre. Pensons aux vues sur la montagne à partir de la Route 139 ou depuis les chemins Jordan et Dyer, la vue de Pinacle et les couchers de soleil sur le chemin Scenic, la vue sur North Jay Peak depuis le Château Ste-Agnès, les vues panoramiques sur le chemin de la Vallée-Missisquoi.
Où sont les haltes en bordure de la route qui nous permettraient de profiter de ces vues, l’esprit tranquille? Quels sont les règlements qui empêchent le premier venu de dérober ces paysages de la vue de tous? Une chose est sûre : si collectivement on oublie de s’en occuper, rien n’empêche que ces paysages peuvent disparaître et que toute la collectivité y perd.
Anthoni Barbe